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Appel à un sursaut politique pour sauver Bernard Rappaz

ATS
11 novembre 2010 - 13h35

Le Tribunal cantonal rejette le recours du chanvrier valaisan

Bernard Rappaz s’est vu refuser son recours par le Tribunal cantonal valaisan. Le chanvrier avait contesté la décision d’Eshter Waeber-Kalbermatten de lui refuser une nouvelle interruption de peine.

Le Tribunal cantonal (TC) s’aligne sur l’arrêt rendu fin août par le Tribunal fédéral. Il indique jeudi dans un communiqué qu’il est juridiquement possible d’obliger les médecins à alimenter de force Bernard Rappaz.

En conséquence, le TC maintient l’obligation qu’il avait faite le 5 novembre dernier aux médecins des Hôpitaux universitaires genevois (HUG) de nourrir de force le chanvrier, sous peine de sanction.

Politiciens, médecins, spécialistes, ils sont au fil des jours plus nombreux à donner publiquement leur avis sur "l’affaire Rappaz". Certains demandent une interruption de peine ou une grâce pour éviter la mort du détenu valaisan en grève de la faim depuis 77 jours.

"(...) Il faut empêcher Rappaz de tuer Bernard, l’homme, l’agriculteur, le père", lance Gabriel Bender jeudi dans les colonnes du journal "Le Temps".

Le médecin et conseiller national Jean-Charles Rielle (PS/GE) a poursuivi sa croisade en faveur de Bernard Rappaz dans les colonnes du dernier "Matin Dimanche" : "Nous devons nous battre pour qu’elle garde son papa", a-t-il souligné en parlant de l’adolescente qui rendait visite à son prisonnier de père.

Une catastrophe

Après M.Rielle, c’est l’ancienne politicienne Anne-Catherine Menétrey-Savary (Verts/VD) qui a adressé une lettre ouverte à la cheffe du département valaisan de la sécurité Esther Waeber-Kalbermatten pour demander une suspension de peine.

"Aujourd’hui, j’ai le sentiment que s’il (Bernard Rappaz) venait à mourir maintenant, ce serait une catastrophe pour tout le monde. Pour lui et ses proches, pour vous, pour la justice, et pour nous tous qui suivons de loin ce bras de fer insupportable", écrit Mme Menétrey-Savary.

Sur les ondes de la Radio Suisse romande, c’est l’ex-président du Parti socialiste suisse, Peter Bodenmann qui a demandé, lui aussi, une interruption de peine. "Il faut un peu de pragmatisme et un peu moins de rigueur", plaide le Haut-Valaisan.

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Le Temps
10 novembre 2010 - 17h47
par François MONDOUX

Un appel à un sursaut politique pour sauver Bernard Rappaz

Le sociologue valaisan Gabriel Bender interpelle quatre chefs politiques pour trouver une issue « honorable » à la crise

Peut-on encore sauver Bernard Rappaz ? Peut-on éviter la mort forcément tragique du chanvrier qui mène une grève de la faim pour contester la peine de 5 ans et demi de prison que lui a infligée la justice valaisanne ? A cette question qui le taraude depuis des semaines, le sociologue valaisan Gabriel Bender répond « oui ». A condition de trouver une sortie de crise « honorable ».

Sa conviction est que cette issue doit être politique : Il incombe de trouver une solution ailleurs que dans la confrontation entre l’Etat du Valais et Bernard Rappaz », a-t-il confié au Temps. Cette solution implique la nomination urgente d’un médiateur qui soit un acteur non impliqué dans le conflit. Il songe par exemple à l’ancien magistrat neuchâtelois Thierry Béguin. Un accord extrajudiciaire devrait être conclu à l’issue de tractations qui se tiendraient hors des caméras.

Ancien député socialiste au Grand Conseil valaisan, enseignant à la Haute Ecole Santé-Social de Sion, intellectuel respecté dans son canton, Gabriel Bender agit au nom de valeurs humanistes et chrétiennes. « On est arrivé à un point où il faut que des poids lourds politiques ravalent leur fierté, se montrent créatifs et inversent la dynamique. » Pour enclencher ce processus vertueux, pour que ses « amis politiques qui ont beaucoup de pouvoir se bougent avant qu’il ne soit trop tard », Gabriel Bender lance un appel solennel. Il y défend l’idée selon laquelle « Rappaz a pris en otage Bernard ». Il y exprime son peu de sympathie pour le premier, mais son attachement au second. Il interpelle des locomotives politiques : Christophe Darbellay, le président du PDC suisse, parti dominant en Valais ; Jean-René Germanier, conseiller national radical-libéral qui présidera l’Assemblée fédérale en 2011 ; Stéphane Rossini, conseiller national socialiste ; Ueli Leuenberger, le président des Verts suisses.

Depuis plusieurs jours, « Le Temps » publie dans ses colonnes des textes de ses journalistes et d’experts extérieurs à la rédaction sur l’affaire Rappaz et les questions qu’elle pose à la société. Dans un éditorial paru le 8 juillet 2010, le journal a défendu que la seule solution possible était politique et devait se nouer en Valais. Dans la foulée de cet engagement éditorial, « Le Temps » a accepté de publier l’appel de Gabriel Bender, qui prône justement un sursaut politique pour échapper à la logique absurde et funeste du chantage à la mort. Ce texte paraîtra intégralement dans l’édition de jeudi.

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Le Temps
8 novembre 2010

Editorial
par Pierre VEYA

L’abîme

Le chanvrier valaisan Bernard Rappaz est dans une situation médicale critique et menace de se laisser mourir s’il n’est pas gracié

Le sort du détenu valaisan Bernard Rappaz prend un chemin dramatique, qui mène tout droit à l’abîme. La grève de la faim et le chantage qu’il exerce depuis des années sur la justice qui l’a condamné pour de lourdes infractions aux lois pourraient lui être fatals. C’est pour éviter cette funeste issue que des citoyens se mobilisent et demandent une énième fois à la justice de suspendre l’exécution de sa peine, le temps que le Grand Conseil se détermine sur une demande en grâce. Pour les autorités valaisannes, en particulier pour la magistrate chargée de l’application des peines, l’essence de la loi, qui ne saurait admettre une nouvelle exception après avoir été trompée, fût-ce sous la contrainte d’un suicide volontaire, se heurte aux principes moraux d’une société éclairée qui doit tout faire pour sauver une vie. L’éthique médicale nous invite à tout mettre en œuvre pour empêcher un suicide mais ces mêmes principes proscrivent, non sans de bonnes raisons, l’alimentation forcée d’une personne qui, en pleine possession de ses moyens intellectuels, décide de mettre fin à ses jours. La Cour européenne est plus nuancée mais, en réalité, ne tranche pas de manière absolue. Car aucune autorité judiciaire ne peut admettre qu’un condamné choisisse lui-même, par son comportement ou un chantage délibéré, d’échapper à la sanction. Non seulement la justice créerait un précédent, mais elle ouvrirait aussi la porte à une forme de déni du droit sous l’emprise du chantage élevé en vertu. Bien sûr, la clémence et la grâce font partie de la justice des hommes. La raison nous invite à y recourir chaque fois que cela permet d’éviter une souffrance inutile et de sortir d’une situation où le respect des principes conduit à l’absurde. Nous en sommes proches dans le cas de Bernard Rappaz. La morale nous autorise certes un jugement personnel, mais ce dernier ne saurait dénier le droit à une magistrate de dire en son âme et conscience le droit et la contrainte.

(suite pour les abonnés)

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