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Tribune

Au lieu de dire « merde à la drogue », dîtes merde à la prohibition

De nouveau, à propos du conflit en Colombie. De nouveau, suite à la délivrance surprise (et heureuse) de Sainte Ingrid, qui font suite à l’écho de ses propos de sainte et de martyr. Comment ne pas parler du problème politique numéro 1 de la Colombie ? Une situation délétère qui se poserait à cause du trafic de drogues, et qui alimenterait les FARC, suivant le gouvernement colombien – et suivant Sainte Ingrid. Ou plus justement, dans cette réalité difficile à appréhender, un trafic qui alimenterait à la fois les FARC, les paramilitaires, et les proches du pouvoir du « grand démocrate » Uribe, suivant des données plus objectives. C’est donc la politique colombienne qui est tout entière concernée par le problème, où aucun des principaux acteurs n’est blanc comme neige.

Commentaires qui sont encore un peu inexacts, car la partie de bras de fer, ou plus exactement la guerre de basse intensité, qui se livre depuis des années en Colombie, est directement la résultante de la tentative de domination ou de partage du pouvoir que se livrent les différentes factions sur les routes dédiées au trafic de drogues, et par le contrôle des zones de productions. Et dans ce petit jeu sanglant, depuis l’arrivée d’Uribe en 2002 – alors que l’enlèvement d’Ingrid Betancourt a eu lieu quelques semaines auparavant –, le partage est très nettement à l’avantage des paramilitaires qui ont été grandement aidés par l’armée colombienne, qui a été formée et entraînée, par l’armée étasunienne, qui n’a jamais hésité à mettre la main à la pâte. Une aide cynique qui s’est faite de manière indirecte, par l’intermédiaire du Plan Colombie concocté par les Etats-Unis en 1999, pour asseoir son influence sur le marché de la cocaïne – qu’elle n’a jamais pu contrôler à son avantage –, par des fumigations des champs de coca qui sont sous le contrôle de la guérilla, avec le glyphosate Round Up de Monsanto.

Pourtant, les commentateurs presque unanimes continuent de voir et de dénoncer les FARC, comme étant les principaux pourvoyeurs de drogues, sans dire un mot sur les amis et alliés du pouvoir colombien, qui ont remporté la lutte à leur avantage, qui en tirent l’essentiel des bénéfices, qui d’un côté, tente de mettre toute la responsabilité du trafic sur le dos des FARC, et de l’autre, qui veut faire peser toute la responsabilité morale sur « la drogue », en l’occurrence la cocaïne, et sur ses consommateurs européens qui ont été récemment pointé du doigt par Uribe lui-même, comme complice du trafic. Une manière fallacieuse de dédouaner la prohibition de toutes ses conséquences néfastes, en chargeant la barque de la démagogie sur la cocaïne et sur les consommateurs européens, pour faire accroire que tous le trafic, c’est tout sauf eux, tout sauf Uribe et tous ses complices, dont certains sont au plus au niveau du gouvernement étasunien, pour tenter de démentir le fait que le trafic de drogues soit presque exclusivement sous le contrôle des prohibitionnistes forcenés. Les prohibitionnistes n’ont aucun intérêt de mettre un terme à la politique schizophrène de la poule aux œufs d’or, qui leur permet de dominer le monde – ou du moins d’essayer ! – alors qu’il est si pratique et si aisé d’accuser d’autres groupes sociaux ou adversaires politiques de la responsabilité morale de leurs propres turpitudes.

Des accusations en grande partie mensongère, mais qui fonctionne à merveille, avec la complicité bienveillante du tam-tam des médias. Pourtant, la situation politique actuelle ne serait pas ce qu’elle est, si la Colombie n’avait jamais été confrontée à la prohibition des drogues, c’est-à-dire elle a été le carburant indispensable pour alimenter 40 ans à 50 ans de guerre civile de basse intensité, qui s’est auto-alimentée par le trafic de drogues. Un résultat des plus catastrophiques pour le seul pays d’Amérique du Sud qui a su conserver des institutions stables et démocratiques, depuis 150 ans maintenant. De sorte que nous pouvons que constater une étroite concomitance entre l’instabilité politique – proche de la guerre civile –, qui mine la société colombienne, avec la montée en puissance de la prohibition dans ce pays. Plus la prohibition s’est imposée au point de devenir prédominante sur la vie politique, et plus la situation colombienne a dégénéré.

Dans les années soixante/soixante-dix, la Colombie était seulement connue pour la production d’une excellente marijuana, mais celle-ci a été définitivement supplantée sous les coups de boutoir de la prohibition, d’abord par le trafic de cocaïne en provenance des pays voisins, ensuite par la culture de coca, qui était presque inexistante, et enfin, depuis une bonne quinzaine d’années, par la culture du pavot et la production d’héroïne. Curieusement, malgré une production conséquente, cette dernière production est toujours occultée par les médias qui se focalisent uniquement sur la drogue locale : la cocaïne ! Pourtant, il est plus facile d’accuser « la drogue », ainsi que la mauvaise conscience européenne, en ne se focalisant que sur la seule cocaïne, dont la coca est le grand symbole des pays andins, plutôt que sur les opiacés qui ont déjà mauvaise presse, afin que nos regards ne se concentrent que sur le problème afghan.

Ce pays en guerre, dont le shit afghan a longtemps fait sa réputation à travers le monde, depuis des années a connu lui-aussi une transformation similaire, où le pavot représente le plus gros de la production. Une culture qui se fait désormais sous la surveillance des troupes de l’Otan, qui est cette organisation militaire qui date de la Guerre froide, et qui est désormais aux commandes de l’expédition étasunienne dans la « guerre au terrorisme ». Une présence militaire qui protègent les champs de pavots et qui assure de fait une certaine tranquillité au trafic de drogues, afin que les marchés occidentaux soient régulièrement alimentés, par une production en constante augmentation, et qui sort directement des soutes des avions militaires qui reviennent au pays.

La prohibition des drogues a non seulement fait exploser de manière spectaculaire la production de drogues partout dans le monde, mais surtout, la prohibition a concentré la production sur les produits les plus dangereux, surtout lorsqu’il s’agit d’un usage clandestin, sur ces produits qui sont à la fois les plus lucratifs et qui à la fois prennent peu de volume, ce qui facilite le trafic clandestin. La prohibition a favorisé ce qui rapporte le plus, avec la cocaïne et plus encore l’héroïne, ainsi qu’avec toutes les drogues chimiques.

A vrai dire, cette production de masse qui s’est faite au détriment de culture de la marijuana – une drogue appréciée qui ne posait pas ou peu de problème –, en faveur des productions de coca et de pavots, a attisé les intérêts de tout bord, au point de perpétuer une guerre civile qui n’en fini pas. Sans la prohibition, la guerre civile n’aurait jamais pu durer jusqu’à aujourd’hui, et les FARC seraient au musée des idéologies perdues, à la même enseigne que leurs opposants les plus farouches, les paramilitaires, le nouveau visage du fascisme sud-américain, qui n’auraient jamais acquis le pouvoir considérable qu’ils disposent actuellement en Colombie, notamment en combattant la guérilla dans les zones de production, lors du Plan Colombie.

Un dernier conseil : au lieu de s’en prendre bêtement à « la drogue », il est bien plus essentiel de s’en prendre, à toute occasion, à la prohibition et à toutes ses conséquences désastreuses. N’hésitons plus, levons-nous et prenons-nous en tous à la prohibition ! Et n’hésitez pas, à chaque fois que vous entendez parler des méfaits de « la drogue », de corriger ses propos afin d’expliquer avec des arguments des plus solides, que ce sont d’abord les méfaits de la prohibition qui sont en cause : des méfaits qui sont autrement plus dangereux que toutes les drogues réunies. Résultat, nous avons concocté, par des lois dangereuses et liberticides, une société qui est sous le joug de mafias internationales, le plus souvent sous le couvert de partis politiques ou autres associations militantes et réactionnaires, qui se financent avec les sommes d’argent considérables que cela rapporte tous les jours, sans que le marché ne connaisse un seul jour férié. Tandis qu’à l’autre bout du système, cela débouche directement sur l’Etat-policier et la société de surveillance, qui avec les nouvelles technologies qui s’imposent construisent un Big Brother à la puissance 100, dont le fichier Edvige est le dernier avatar.

Les démocraties occidentales sont sous le joug de mafias politico-financières qui se partagent le monde, sous le nom de « mondialisation », après avoir vampirisé presque toute l’économie légale. La prohibition nous forme à cette société post-nazie qui s’impose à nos sociétés occidentales – et au reste du monde –, qui est une tentative très avancée d’un système de domination total de l’être humain, sous les prétextes de « guerre à la drogue ». Un système qui se décline aujourd’hui, dans une même rhétorique, dans de nombreux domaines, notamment en « guerre au terrorisme », depuis septembre 2001, et qui se métamorphose désormais en « guerre pour sauver la planète » – sans se rendre compte de la grossièreté d’un tel concept – qui est le dernier avatar de cette mafia qui gouverne le monde.

La prohibition est l’une des principales causes de tous nos malheurs ! Et le cannabis le symbole de tous ces mensonges. L’accusé cannabis est relaxé de toutes accusations avec les félicitations du jury...

Alain

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