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Les députés veulent créer une mission d’évaluation de la loi de 70 sur les stupéfiants

Le groupe socialiste veut lancer une mission d’évaluation de la loi qui régit encore aujourd’hui la lutte contre la drogue en France. « On a la loi la plus répressive d’Europe qui aboutit à un échec évident », estime la députée PS Catherine Lemorton, à l’initiative du projet.

Face au refus net de François Hollande d’ouvrir tout débat sur la dépénalisation/légalisation du cannabis, les députés socialistes ont décidé de se saisir du problème en lançant une mission d’évaluation de la loi du 31 décembre 1970, qui régit encore aujourd’hui la lutte contre les stupéfiants en France.

À l’initiative de Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, et de Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois, le groupe socialiste a demandé la création d’une mission d’évaluation de l’« efficacité des politiques publiques de lutte contre les substances illicites ». Cette demande sera étudiée le 31 octobre 2013 par le comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, présidé par Claude Bartolone. Ce comité a pour vocation d’évaluer les politiques publiques touchant à des domaines transversaux (santé publique, sécurité, éducation, etc.).

« Depuis quarante ans, nos politiques publiques concernant ces substances illicites ne marchent pas, explique Catherine Lemorton. On a la loi la plus répressive d’Europe qui a abouti à un échec évident, pathologique pour la société. Les derniers chiffres sont affolants et montrent une montée en puissance de la consommation de cannabis, notamment chez les jeunes. Je ne cesse de rencontrer des parents et des grands-parents désemparés. »

Axée sur la prohibition totale et la répression, la loi de 1970 met dans le même sac toutes les drogues et punit leur simple usage d’une peine de prison allant jusqu’à un an et d’une amende de 3 750 euros. Jugée désuète par beaucoup de spécialistes, cette loi n’a pas empêché le développement d’une consommation de masse et d’une économie souterraine, où les différends commerciaux finissent par des règlements de compte.

Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, environ 13,4 millions de Français ont déjà consommé au moins une fois du cannabis et 1,2 millions en consomment de façon régulière (plus de dix fois par mois). Le nombre de jeunes de 17 ans ayant déjà expérimenté le cannabis a doublé en France entre 1993 et 2011, passant de 21 % à 41,5 %. La France a donc aujourd’hui « le triste privilège de figurer dans le peloton de tête des pays de l’Union européenne pour ce qui concerne la consommation de cannabis », constatait, le 13 août 2013, le ministre de l’intérieur Manuel Valls, pourtant farouchement attaché à la loi de 1970.

« Aujourd’hui, je remarque combien la lutte contre ce produit est chronophage pour les forces de police, constate de son côté Jean-Jacques Urvoas. Et je vois aussi que l’argent généré par ces trafics nourrit d’autres formes de délinquance et de deal, plus dangereux. » Pas question pour l’instant de se prononcer sur la question, électoralement très sensible, de la dépénalisation. Le dernier ministre qui s’était risqué à évoquer le sujet, à savoir Vincent Peillon en octobre 2012, s’était aussitôt fait sévèrement recadré par Matignon. « Il s’agit de faire une photographie, d’aller voir dans les écoles, dans le monde du travail comment nous en sommes arrivés là, sans bondir tout de suite aux conclusions, précise donc prudemment Catherine Lemorton. Il faudrait quand même comprendre pourquoi l’expérimentation du cannabis touche aujourd’hui beaucoup plus les jeunes en France qu’aux Pays-Bas ! »

Si elle est acceptée, l’étude devrait également se pencher sur la question de l’expérimentation de salles de consommation pour les toxicomanes. Le Conseil d’État vient de rendre, le 8 octobre, un avis négatif sur ces salles de shoot, qu’il estime contraire à la loi de 1970 prévoyant la prohibition totale de la consommation de drogue. Les magistrats ont invité le gouvernement à proposer au Parlement « le vote d’un dispositif légal instituant, à titre expérimental, une dérogation limitée à la loi pénale ». À Paris, la salle d’injection « à moindre risque » pour toxicomanes, qui devait ouvrir fin novembre 2013 dans le quartier de la gare du Nord, est donc remise en cause. « Le gouvernement va travailler avec les acteurs concernés par ce projet à la sécurisation juridique de ce dispositif », a indiqué le ministère de la santé dans un communiqué. Sans plus de précision

Voir en ligne : Article original sur le site de Mediapart

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