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Tribune

CANNABIS : TOUS COUPABLES !

Le cannabis est-il un signifiant social type, nous permettant d’analyser l’évolution sécuritaire de notre société ?

Un fait divers récent, celui de l’arrestation par la police d’un enfant de 6 ans pour le vol d’un vélo, a suscité quelques remous et polémiques. Ce nouvel exploit policier démontre non seulement que la politique du tout répressif dite de « tolérance zéro » n’amène aucun résultat. Au contraire, elle suscite de l’inquiétude, de la méfiance, parfois même du mépris à l’égard des forces de l’ordre, tant cette logique sécuritaire qui se développe prend des proportions qui conduisent à se demander si nous n’avons pas déjà tous un pied en prison.

A contrario des pensées des Lumières, l’idée qui semble admise au gouvernement serait que « nous sommes tous des criminels »… De fait, le nombre de lois adoptées à la chaîne afin de mieux surveiller pour prévenir, de plus contrôler pour dissuader, de sanctionner pour punir sévèrement, ne serait pas assez efficace selon les promoteurs de ce modèle... Pourtant, les caméras de vidéo-surveillance se multiplient. Avec les lois Hadopi et Loppsi, on s’autorise à surveiller l’utilisation de nos ordinateurs. Outre des procédures simplifiées où la recherche de la vérité n’existe plus (avec le plaider coupable), la Justice devient une parodie, aux ordres d’un pouvoir exécutif dont les options semblent rétrogrades et nuisibles aux libertés fondamentales. Force est de constater avec effroi, que l’État français est au pied du mur avec des prisons surchargées, dont la vétusté n’honore pas notre rang de pays riche. Pire, cette surpopulation carcérale devient ingérable, et c’est pourquoi nous pensons que l’État transforme en toute discrétion la société civile en prison.

Avec l’exemple du cannabis, il serait possible de mettre sous surveillance la société française en entier, pour la prémunir d’elle-même. Car en effet, nous sommes tous potentiellement des délinquants en reconnaissant que nous avons tous, une fois au moins, consommé du cannabis alors que c’est illégal.

De fait, la légalisation du cannabis ne se pose plus comme une simple question liée à la défense des libertés, ni à sa classification comme stupéfiant, mais plutôt comme un enjeu symbolique de la société dans laquelle nous souhaitons collectivement vivre.

Si autant de françaises et de français consomment du cannabis, la loi qui interdit sa consommation ne fait plus sens. Sauf si l’on veut maintenir un instrument de contrôle et criminaliser l’ensemble de la population.
Une loi pour qu’elle soit applicable se doit d’être une évidence. Mais si socialement elle ne fait plus sens, on se doit de la changer. Une loi qui est transgressée par tous, tous les jours, – dont des icônes sociales fortes, comme des intellectuels, des stars –, brouille les frontières de ce qu’est un interdit.

La loi française en matière de drogues doit donc changer. D’autant plus, qu’il est impossible en termes de prévention d’autoriser la vente d’alcool, de tabac et de certains médicaments et de maintenir sous interdit le cannabis dont la dangerosité sociale et sanitaire est plus faible que celle liée à l’alcool. La justification du maintien de cette politique inique, peut simplement s’analyser comme la recherche par certains lobbies industriels d’imposer le catalogue des « drogues légales » sur lequel ils détiendraient le monopole, tout en plaçant la
société en situation de dépendance.

C’est pourquoi, il n’est pas inintéressant de constater que des militants politiques de gauche de tous bords, des intellectuels ont fait une liste pour les élections européennes appelant à sa légalisation.

La question de la légalisation du cannabis justifie le fait de s’intéresser aux listes en Europe appelant à sa légalisation (Comme Cannabis sans frontières). Ces initiatives sont importantes pour la défense des libertés individuelles. Il va de soit qu’aucun projet de légalisation n’est crédible que s’il est accompagné d’un projet d’éducation pour empêcher sa consommation ou toute dépendance.
Apprendre à être un homme libre et faire des expériences sans mettre en danger sa vie ni celle des autres est en enjeu si l’on tient encore au principe de Liberté.

C’est donc une affirmation forte : l’éducation vaut mieux que la répression.
À l’heure où l’on veut installer des portiques de sécurité dans les écoles, et habituer « nos enfants » à vivre dans une société de méfiance et de contrôle qui se carcéralise, il est urgent de refuser cette logique, il est de notre impérieux devoir de dire « non » et d’attaquer ce processus. Nous devons affirmer que ce n’est pas dans cette société du « tout sécuritaire » que nous souhaitons voir grandir et évoluer nos enfants.

Nous préférons nous saisir de la question de la consommation de cannabis – usage dont l’augmentation chez les adolescents est un phénomène de société qu’il vaut mieux prendre en compte dans une logique de dialogue, en particulier s’il s’agit d’en prévenir les dangers, plutôt que de voir nos enfants embarqués en garde à vue pour un délit que nombre d’adultes ont commis ou commettent toujours.

Une société qui n’aurait pas comme présupposé « tous criminels » se devrait d’inventer d’autres modèles et d’agir pour qu’un enfant de 6 ans ne soit pas poursuivi par la police et qu’à 12 ans, il ne prenne un couteau contre un professeur.

Nous avons un devoir, une obligation collective de remettre le véritable projet républicain au cœur de nos préoccupations, et la légalisation du cannabis constitue, en elle-même, un des premiers actes forts pour réinvestir le champ de l’éducation et de la prévention, contre la répression.

Jérémie Nestel

Travailleur social

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