Revue de presse du 1er au 31 juillet 2011
Sources : Libération, Le Monde, Rue89, Courrier International, Lettre de l’IDPC (Consortium international de Politiques liées aux Drogues).
POLITIQUE PUBLIQUE – INTERNATIONAL :
L’ONUDC présente son Rapport mondial sur les drogues 2011 ;
L’OMS publie des « directives sur la politique et les législations nationales concernant (...) le contrôle des médicaments » ;
Des juges de plusieurs pays d’Amérique Latine affirment dans une déclaration dite « de Rome » que « la guerre contre la drogue est un échec »
POLITIQUE PUBLIQUE – FRANCE :
Le 29 juin dernier la mission d’information parlementaire (bicamérale) sur les toxicomanies rendait son rapport : elle y estime que « l’État ne doit céder ni à la fatalité des progrès de la toxicomanie, ni à la facilité de solutions de façade » ;
Début juillet la Cour des comptes dénonçait une politique sécuritaire du chiffre qui cible les usagers de cannabis ;
Le débat continue sur le statut des drogues en France : tribunes de Corentin Segalen et Laurent Mucchielli dans Le Monde / entretien avec Anne Coppel dans Rue89 ;
Légaliser le haschich rapporterait 1 milliards d’euros à la France, avance l’économiste Pierre Kopp
ETUDES :
Un projet bordelais reçoit 6 millions d’euros « pour la création d’une plateforme d’innovation en psychopathologie expérimentale chez le rongeur. »
CONSOMMATION :
Le Baromètre Santé 2010 fait état d’une légère hausse de l’expérimentation d’héroïne, de champignons hallucinogènes et d’une augmentation de la diffusion des poppers, mais la consommation des autres produits illicites semble stable ; celle de tabac est en hausse en revanche, ainsi que les « épisodes d’ivresse » alcoolique, surtout chez les jeunes filles
PRODUITS :
Les poppers sont désormais interdits en France ;
De plus en plus de drogues de synthèse circulent dans l’Union européenne
TRAFIC, POLICE, JUSTICE, etc. :
A Champigny-sur-Marne, une banale pétarade devant un commissariat provoque un emballement de la presse, qui invoque une attaque de délinquants pour préserver le trafic de drogue ;
Depuis près de 8 mois, un marché noir de produits illicites en ligne échappe à toute traçabilité en utilisant la monnaie virtuelle BitCoins ;
A Mayotte, mises en examen pour trafic parmi les forces de l’ordre, après l’overdose d’une lycéenne
INTERNATIONAL :
En juin la BOLIVIE se retirait de la Convention unique sur les stupéfiants, mais pour y ré-accéder avec une réserve sur la mastication de la feuille de coca ;
Le CAMBODGE a adopté une loi forçant les usagers de drogues à intégrer un programme de traitement de deux ans ;
La CHINE lance une campagne de lutte contre la méthamphétamine produite en Corée du Nord ;
ESPAGNE : Libération ressort de ses archives un article écrit en 1983 lors de la dépénalisation de l’usage et la détention de drogue ; Aujourd’hui, comme en France, le commerce du haschisch sert de remède anticrise dans certaines régions espagnoles ; Les clubs de drogues (« cannabis social clubs »), une alternative à la légalisation du marché ? (voir aussi à ce sujet l’entretien avec Anne Coppel évoqué plus haut) ;
ETATS-UNIS : Des scientifiques dénoncent « l’épidémie d’incarcérations » liées aux drogues ; le gouvernement fédéral publie sa stratégie nationale de contrôle des stupéfiants pour 2011 ;
L’INDE renonce à la peine de mort obligatoire pour les crimes liés aux drogues ;
MEXIQUE : les forces armées nationales ont découvert une plantation de cannabis de 120 ha dans le désert de Baja California ;
PAYS-BAS : le débat continue sur les coffee-shops et le statut du cannabis ;
En POLOGNE assouplissement de la répression contre les usagers de drogues ;
PORTUGAL : Le site libéral contrepoints.org dresse le bilan de 10 ans de décriminalisation des drogues ;
La RUSSIE défie le consensus général (?) en déclarant une « guerre totale contre la drogue »
DOPAGE :
Le Tour de France, « machine à fric » et à dopage
DROGUES LEGALES :
Les cigarettes bientôt sur ordonnance en Islande ?
MEDIAS :
Apparition d’un nouveau bimestriel, la Gazette du chanvre
PEOPLE :
Le père d’Amy Winehouse a annoncé vouloir créer une fondation pour aider à combattre les addictions
POLITIQUES PUBLIQUES– INTERNATIONAL
L’ONUDC présente son Rapport mondial sur les drogues 2011
Lettre de l’IDPC, juin 2011
Ce rapport de l’Organe des Nations Unies contre la drogue et le crime présente une vue d’ensemble du problème mondial de la drogue. Lire le rapport (en anglais) : http://idpc.net/fr/node/1741?utm_source=IDPC%3A+Alerte+Mensuelle&utm_campaign=cc3c852843-IDPC_Alerte_mensuelle_Juin_20117_6_2011&utm_medium=email
Orientation pour la disponibilité et l’accessibilité des médicaments sous contrôle - Rapport de l’OMS
Lettre de l’IDPC, juin 2011
Ce rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) fournit des directives sur la politique et les législations nationales concernant la disponibilité, l’accessibilité, la rentabilité, et le contrôle des médicaments fabriqués avec des substances contrôlées au niveau international. Lire le rapport en français, en anglais, et en 12 autres langues : http://idpc.net/fr/publications/oms-orientation-sur-disponibilite-medicaments-sous-controle?utm_source=IDPC%3A+Alerte+Mensuelle&utm_campaign=cc3c852843-IDPC_Alerte_mensuelle_Juin_20117_6_2011&utm_medium=email
La déclaration de Rome : des juges s’expriment sur la politique des drogues et les droits humains
Lettre de l’IDPC, juillet 2011
En accord avec le rapport de la Commission Mondiale sur la Politique des Drogues, des juges de plusieurs pays d’Amérique Latine ont déclaré que « la guerre contre la drogue » était un échec au vue des sérieuses conséquences qu’elle a entrainé pour les individus et sociétés du monde entier. Lire la déclaration en anglais et en espagnol : http://idpc.net/fr/alerts/rome-declaration?utm_source=IDPC%3A+Alerte+Mensuelle&utm_campaign=5e6b83eb1b-Alerte_mensuelle_de_l_IDPC_Juillet_20117_28_2011&utm_medium=email
POLITIQUES PUBLIQUES– FRANCE
Rapport de la mission d’information commune aux deux assemblées sur les toxicomanies
Lettre de la MILDT, juillet 2011
Le 29 juin dernier, après plus de cent auditions et plusieurs visites de structures d’accueil de toxicomanes, la mission d’information bicamérale sur les toxicomanies a rendu un rapport (tome I , tome II) où elle estime que « l’État ne doit céder ni à la fatalité des progrès de la toxicomanie, ni à la facilité de solutions de façade » .
La mission plaide pour l’inflexion de la stratégie publique dans le sens d’un volontarisme et d’un pragmatisme accrus. Elle propose en particulier : l’amélioration sensible de la prévention, à organiser dès le plus jeune âge ; une offre de soins et de prise en charge plus variée, passant en particulier par l’amélioration de l’implantation territoriale des communautés thérapeutiques ; une meilleure formation en addictologie des professionnels de santé ; l’amélioration des modalités de mise en œuvre des traitements de substitution aux opiacés ; le rejet de l’expérimentation de centres d’injection supervisés, non adaptés à la situation française et objet de graves questionnements juridiques ; la mise en œuvre de programmes d’échange de seringues en milieu carcéral ; la confirmation de l’interdit opposé à toute consommation illicite de stupéfiants et la mise en place d’une stratégie de dissuasion sanctionnant par une amende contraventionnelle la première consommation constatée de toute drogue illicite.
La Cour des comptes dénonce la politique du chiffre qui cible les usagers de cannabis :
Synthèse du rapport public thématique :
http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/Syntheses/Synthese_rapport_public_thematique_securite_publique.pdf
La lutte contre le trafic de stupéfiants, dans laquelle les DDSP n’ont pas été fortement impliquées jusqu’en 2010, illustre les travers du pilotage statistique des services. Leurs interventions ont surtout été orientées vers l’interpellation des consommateurs sans amélioration significative des résultats en matière de revente ou de trafics. Elles ont joué un rôle de variable d’ajustement pour améliorer le taux moyen d’élucidation. Ainsi, entre 2002 et 2009, la constatation des infractions par les services des DDSP a connu une progression de 76 % pour l’usage simple, 30 % pour l’usage avec revente et seulement 8 % pour le trafic. Le nombre de placements en garde à vue pour ces motifs s’est accru de 91 %, 42 % et 3 % respectivement.
Drogues : sortons des faux débats
[nonfiction.fr jeudi 30 juin 2011 - 16:00] Par Corentin Segalen
http://www.nonfiction.fr/article-4811-p1-drogues__sortons_des_faux_debats.htm
Depuis plusieurs semaines, le débat entre les partisans d’une légalisation ou d’une dépénalisation du cannabis et les opposants à toute révision de la stratégie de lutte contre les drogues, s’enlise. Chacun campe sur ses positions et assène ses arguments contre le camp adverse quitte à manipuler les chiffres, à multiplier les contre-vérités, et bien sûr, à caricaturer ses adversaires taxés d’un côté d’irresponsables libertaires et de l’autre d’incorrigibles réactionnaires. Dans cette véritable guerre de tranchées, on en oublierait presque l’essentiel : comment lutter concrètement, localement, quotidiennement, contre la drogue ?
C’est à cette question qu’a voulu répondre le Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU) dans le cadre du projet Democracy, Cities and Drugs II (Démocratie, villes et Drogues II), co-financé par l’Union européenne. Pendant trois ans, les villes de Marseille, Créteil, Lille, Aubervilliers, Lormont, Montpellier, Courcouronnes et Valenciennes ont mis en commun leurs diagnostics et leurs expériences, pour essayer d’apporter la réponse la plus appropriée et la plus efficace aux problèmes posés localement par la drogue. Celle-ci a en effet un impact économique, avec le développement d’une économie parallèle, mais aussi des conséquences en termes de santé publique, d’occupation de l’espace public et, bien sûr, de développement d’un sentiment d’insécurité dans la population (p. 61).
Cette étude montre tout d’abord que les problèmes ne se posent pas de manière uniforme. La réponse à apporter ne sera pas la même à Aubervilliers où vivent plusieurs "vieux toxicomanes "qui se trouvent" en situation de dépendance et de grande précarité, physiquement très atteints et qui présentent parfois des troubles du comportement" (p. 15), qu’à Lille, où, selon un rapport de l’observatoire français des drogues et des toxicomanies, "des milliers de jeunes résidant en France sont attirés par les méga-dancings belges du Tournaisis, pour leur style et la disponibilité des produits psycho-actifs : l’alcool, mais aussi et plus spécifiquement des psychostimulants comme la MDMA (Ndlr : Ecstasy) ou les amphétamines" (p. 21). L’échelle locale doit donc être privilégiée pour apporter les réponses les plus pragmatiques.
Ces réponses sont de plusieurs types. Il s’agit d’abord d’expliquer : former les acteurs de première ligne, informer et sensibiliser les citoyens sur la question des drogues. Il est nécessaire ensuite de développer la prévention des risques, d’ "agir pour que la consommation soit la moins dangereuse possible pour l’usager". La mise en place de partenariats entre les élus, les services de l’État, les services de la ville, ceux du Conseil général et du Conseil régional, ou encore les centres de soins s’avère tout aussi indispensable, car pour répondre au problème de la drogue, la mobilisation doit être générale. Enfin, la question de l’insertion et de l’accompagnement social des toxicomanes est primordiale (pp. 38-41).
Le petit livre du Forum français pour la sécurité urbaine fait le point aussi sur les dernières grandes prises de positions au niveau international. Ainsi, la dix-huitième Conférence internationale sur le Sida qui s’est réunie à Vienne en juillet 2010, a conclu que "la criminalisation des utilisateurs de drogues a des retombées négatives sur la santé et la société à l’échelle mondiale". Le dernier rapport mondial de l’ONU sur les drogues invite quant à lui les dirigeants du monde à "agir pour freiner l’impact du trafic de drogue sur les pays en voie de développement" (p. 42). La conférence "Politiques urbaines contre la drogue dans un monde globalisé", qui s’est déroulée à Prague du 30 septembre au 2 octobre 2010 s’est achevée notamment sur l’idée que "la santé et la sécurité publique ne sont pas contradictoires", puisque les deux cherchent à "minimiser les conséquences néfastes du trafic et de la consommation de drogues" (p. 47).
La conférence de clôture du projet européen Democracy, Cities and Drugs II qui a eu lieu à Vienne du 23 au 25 février 2011, s’est achevée sur huit recommandations. Parmi elles, celle d’encourager" un débat global sur la décriminalisation maîtrisée de ces questions de santé que sont les consommations de drogues "ou celle d’orienter" l’appareil répressif vers le contrôle des marchés notamment internationaux et ainsi reconnaître les trafics de drogues et l’économie souterraine qui y est liée comme un des principaux éléments destructeurs de la cohésion sociale et du vivre ensemble dans nos villes", ou encore celle qui consiste à "envisager le suivi thérapeutique comme une alternative crédible à l’incarcération. Tout en veillant "également à ce que les personnes incarcérées bénéficient d’une offre de soins adaptée" (p. 48). Une manière de dire que pour lutter efficacement contre la drogue, il faudrait soigner les toxicomanes et orienter les moyens de la répression contre les trafiquants. Et si, au lieu de se perdre dans des jeux de postures, on cherchait vraiment à régler le problème de la drogue ?
Pour aller plus loin : La future politique française des drogues, publié par le Forum français pour la sécurité urbaine, avril 2011, 68 pages.
Dépénaliser la drogue et confier la vente aux ex-dealers ?
RUE89 - Par Nicolas Valiadis | Journaliste | 09/07/2011 - En partenariat avec Agents d’entretiens
Sociologue et présidente d’honneur de l’Association française de réduction des risques liés à l’usage des drogues, Anne Coppel se situe au croisement de la sociologie, de la médecine et des usagers. Forte d’une expérience acquise sur le terrain, elle met en lumière le dramatique retard de l’Hexagone et de ses politiques sur la question des drogues.
Alors que le débat sur la dépénalisation du cannabis refait surface à moins d’un an de l’élection présidentielle, il était temps de s’arrêter sur un sujet qui touche, selon les chiffres [2], plus de 12 millions de nos concitoyens. Interview
Pensez-vous que la politique du gouvernement en matière de drogues soit archaïque ?
Anne Coppel : Je crois que la politique française fait partie des plus archaïques d’Europe en matière de drogues. Il y a eu un progrès constaté dans le domaine de la santé dans les années 1994/1995 sous l’impulsion de Simone Veil (alors ministre d’Etat, des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville).
Malheureusement, nous avons assisté à un triste retour en arrière à partir de 2003, puis en 2007 sous la présidence de Nicolas Sarkozy [3]. A ce moment, la France est revenue dans une logique de tolérance zéro, copiant le modèle pratiqué outre-Atlantique.
La guerre faite aux petits dealers de rue [4] et aux consommateurs est devenue la priorité première du gouvernement, ce qui a conduit à une multiplication des arrestations et des incarcérations, accompagnée de peines planchers pour les récidivistes.
Aujourd’hui, les pratiques policières sont soumises à une évaluation chiffrée, ce qui a multiplié les interpellations pour usage de cannabis, beaucoup plus faciles à faire que la lutte contre les trafiquants. Il faut cependant bien comprendre que cette politique de tolérance zéro est impossible à appliquer si l’on considère que 12 millions de personnes ont déjà au moins consommé une fois du cannabis ! On ne peut mettre tout le monde en prison !
Qu’entendez-vous par « civiliser les drogues » ?
Il faut apprendre à vivre avec. Plus de la moitié de la population et 70% des adultes ont essayé au moins une fois le cannabis. Penser éradiquer les drogues est une utopie. On peut les limiter, c’est tout ! C’est certes un danger, un risque, mais au même titre que l’alcool qui est vendu légalement.
Il faut bien connaître les risques, faire appel à la responsabilité de chacun en débattant sur la consommation, l’autoproduction, la revente de drogues, plutôt que de se murer dans une politique répressive à outrance et qui n’est en fait que de la poudre aux yeux.
La réduction des risques passe inévitablement par une dépénalisation ?
Logiquement oui ! Réduire les risques veut dire accepter l’usage. On ne peut pas distribuer des seringues et refuser que l’on s’en serve [5].
Lorsque Simone Veil a mis en place un dispositif expérimental pour prévenir les risques liés à l’usage de la drogue (en distribuant des seringues et des produits de substitution), les résultats ont été bien au-delà que ce que l’on pouvait imaginer. Nous avons assisté à une baisse de 80% des overdoses mortelles et à une diminution radicale des contaminations par le VIH dues aux drogues.
Malheureusement, forts de cette expérience, les pouvoirs publics n’ont pas osé dépénaliser, et l’on est alors entré dans une politique de machine arrière [6] irrationnelle et irréaliste.
La peur du gendarme ne fonctionne pas concernant les drogues. Dans les années 1970, les utilisateurs de drogue étaient des marginaux alors qu’aujourd’hui, la consommation de cannabis touche surtout les classes moyennes et la cocaïne ne se limite plus à la jet-set.
Que pensez-vous du tour de France de la prévention que réalise actuellement l’animateur Jean-Luc Delarue [7] après avoir été arrêté en possession de cocaïne ?
Le pauvre, j’ai eu honte pour lui. Il s’est fait prendre la main dans le sac, mais un peu plus d’authenticité pour redorer son blason et pouvoir espérer revenir sur le petit écran ferait du bien. Là, cela ressemble à un mauvais cirque médiatique.
Que vous ont enseigné ces années passées sur le terrain au contact de toxicomanes ?
Dans les années 1980, on avait l’image du drogué la pompe dans le bras et atteint du VIH. Depuis les années 1990, la drogue est devenue plus récréative avec l’ecstasy, les acides, ou la cocaïne et surtout le cannabis, le plus souvent mélangé à l’alcool…
Aujourd’hui, même l’utilisation de l’héroïne a changé. Elle se fait rarement par injection et a fait son entrée chez les classes moyennes qui l’utilisent pour apaiser le stress et accepter leur soumission aux contraintes sociales [8]. Dans la rue, il reste de grands marginaux [9], qui consomment souvent plus d’alcool et de médicaments que de drogues illicites.
Aujourd’hui, de plus en plus de politiques se déclarent en faveur d’une dépénalisation des drogues douces. Pensez-vous qu’une telle mesure finira par voir le jour en France ?
Je l’espère ! La raison, un jour ou l’autre, va nous obliger à ça, mais le progrès n’est pas garanti dans nos sociétés. Le tournant pour une dépénalisation est déjà pris au niveau international. On a pu constater que la guerre menée par l’Amérique contre la drogue était un fiasco total et, pour ce qui est de l’Amérique latine, la drogue a généré des mafias très violentes qui se livrent une guerre sans merci.
Actuellement, il y a un consensus chez les experts pour aller vers une dépénalisation afin de réduire les risques. Ils ont compris que pénaliser l’usager était contre-productif en utilisant inutilement les policiers, les juges, les prisons.
Pensez-vous que, concernant les drogues douces, une solution comme celle décidée aux Pays-Bas, où seuls les locaux pourront acheter au moyen d’une carte bancaire dans les « coffee shops », peut-être une solution ?
Je serais assez en faveur d’une telle mesure, en effet. Plusieurs expérimentations sont en cours actuellement avec les « coffee shops » hollandais [10], les « cannabis clubs » en Espagne et en Belgique, l’utilisation thérapeutique du cannabis en Californie qui compte 200 000 patients…
La France est en retard et très rétrograde [11] par rapport à la drogue. Elle fait la sourde oreille comme pour le débat sur les maisons closes. Nos politiques semblent préférer que les prostituées comme les drogués restent des marginaux.
La drogue constitue une véritable économie parallèle. Quelles seraient les conséquences financières d’une dépénalisation pour l’Etat ?
Personnellement, je ne suis pas en faveur d’un service public qui aurait le monopole de la drogue, comme c’est le cas pour le tabac. Les gens qui vivent de cette économie [12] – disons « parallèle » – vont faire quoi si on leur enlève ce business ?
En Hollande, ce sont d’anciens dealers qui tiennent souvent les « coffee shops » et qui apportent leur « expérience » aux consommateurs. Je trouve cette façon d’aborder le problème assez intéressante en permettant à des personnes de ne plus être hors la loi.
Drogue et sida sont-ils toujours liés ?
Ce fut le cas à une époque, mais ce n’est heureusement plus vrai aujourd’hui. La drogue ne représente « plus » que 2% des nouvelles contaminations par le VIH. Par contre, il y a un développement des infections hépatiques : avec 4 000 morts par an, c’est aujourd’hui une priorité qu’il convient de surveiller.
A quand un vrai débat sur la réglementation des drogues ?
LE MONDE.FR – Blogs (blog de Laurent Mucchielli) 17 juillet 2011
Plutôt que sur la polémique politique à propos du défilé militaire du 14 juillet, on voudrait revenir aujourd’hui sur les questions de drogues qui semblent autrement plus fondamentales. Deux documents ont en effet été publiés ces dernières semaines, qui permettent (après beaucoup d’autres) de poser objectivement quelques constats "lourds" sans la prise en compte desquels il n’y a pas de discussion sérieuse sur ces questions.
Une mesure de l’évolution des consommation
L’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) et l’Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé (INPES) ont publié un document de synthèse sur Les niveaux d’usage des drogues en France en 2010. Il s’y confirme que le cannabis est le produit illicite le plus consommé en France. En 2010, parmi les adultes âgés de 18 à 64 ans, un tiers déclare en avoir déjà consommé au cours de leur vie, 8 % au cours des 12 derniers mois, 4 % au cours du dernier mois. Ces usages touchent particulièrement les jeunes générations. Il y a donc en France entre 13 et 14 millions de personnes qui ont déjà expérimenté le cannabis, presque 4 millions qui en ont consommé dans l’année écoulée, entre 1 et 1,5 millions qui en ont un usage régulier et au moins un demi-million qui en ont un usage quotidien. Il s’agit donc bien d’un phénomène social de grande ampleur, et non d’un amusement de quelques hippies attardés.
Il ne s’agit pas non plus d’un simple défi d’adolescence. La consommation de cannabis concerne surtout les jeunes adultes, elle diminue ensuite avec l’âge. La proportion d’individus ayant expérimenté le cannabis est maximale entre 26 et 34 ans chez les hommes (64 %), et diminue ensuite pour atteindre 13 % entre 55 et 64 ans. Chez les femmes, la proportion d’expérimentatrices de cannabis se situe autour de 40 % entre 18 et 34 ans pour tomber à 7 % entre 55 et 64 ans.
Enfin, à ceux qui en doutaient encore, on peut livrer ce constat incontournable : la prohibition officielle de l’usage du cannabis n’a nullement empêché son augmentation continue au fil des ans (voir le graphique ci-dessous). Il ne fait donc aucun doute que la prohibition est en réalité une politique de l’autruche : sa cacher derrière l’interdit pour ne pas voir la réalité qui s’en moque.
Évolution entre 1992 et 2010 de la proportion d’expérimentateurs de cannabis parmi les 18-64 ans (en %) Voir graphique
Des propositions pour une véritable réglementation des consommations de drogues
Loin des postures politiciennes qui empoisonnent le débat public, le Forum Français pour la Sécurité Urbaine (FFSU) vient par ailleurs de mettre en ligne une brochure très intéressante.
D’abord par son approche globale pragmatique et réaliste : « Qu’elles soient licites ou illicites, les substances psychoactives font partie de nos sociétés. Aussi, exiger une société sans drogues est illusoire. Les villes se trouvent, dès lors, confrontées à une quadruple problématique en matière de drogues : 1) économies transgressives ; 2) effets en terme de santé publique ; 3) impacts sur l’occupation de l’espace public ; 4) sentiment d’insécurité parmi la population ».
Ensuite par sa volonté de dégager de « bonnes pratiques » pour travailler concrètement dans un objectif de réduction de ces risques à l’échelle locale. Ainsi, pendant trois ans, les villes de Marseille, Créteil, Lille, Aubervilliers, Lormont, Montpellier, Courcouronnes et Valenciennes ont mis en commun leurs diagnostics et leurs expériences, pour essayer d’apporter la réponse la plus appropriée et la plus efficace aux problèmes posés localement et quotidiennement par la drogue. Le constat de départ est que les problèmes ne se posent pas de la même façon selon les territoires. Il faut donc privilégier une réponse locale plutôt que l’application uniforme d’un dispositif national. Le résultat de l’expérience montre ensuite que, pour avoir une action durable de réduction des risques, il est notamment essentiel de bien informer (et non chercher à faire peur) les citoyens à commencer par les plus jeunes et leurs parents, de bien former les acteurs de première ligne, de faire travailler les institutions en véritable partenariat pour augmenter leur capacité à trouver des solutions aux situations de crise et pour bâtir des stratégies communes, de se donner les moyens d’un vrai travail d’insertion et d’accompagnement social des toxicomanes.
Quant à la réponse pénale, les conclusions de ce forum rejoignent celles de tous les organismes européens et internationaux (rapports de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, déclaration finale de la Conférence de Vienne, Déclaration de Prague, etc.). On peut les résumer en trois attendus fondamentaux : 1) il ne sert à rien (sinon à harceler les "minorités visibles" par des contrôles au faciès) de chercher à dissuader les consommateurs par des sanctions pénales, 2) il faut se doter de vrais moyens de prise en charge thérapeutique des toxicomanes, 3) la répression doit être orientée fondamentalement sur la lutte contre les trafics et les économies souterraines qu’ils génèrent à l’échelle nationale et internationale.
Sortir du manichéisme, comprendre qu’il existe une troisième voie
Nous sommes encore loin, très loin du compte en France où une certaine rhétorique politicienne manichéenne a enfermé la discussion (comme sur la sécurité de manière générale) dans une opposition entre rigueur et laxisme. Ce simplisme pollue notamment ce débat sur les drogues, faisant prendre à la société française des années de retard dans le traitement de certains problèmes sociaux. Entre pénalisation et dépénalisation, entre prohibition et laisser-faire, il existe en réalité une troisième voie : la réglementation. Prendre acte d’une réalité et se donner des règles pour la gérer dans l’intérêt public. Quelles règles ? C’est là qu’un débat politique digne de ce nom devrait commencer.
Légaliser le haschich rapporterait 1 mds
AFP 02/08/2011 12:51
Une légalisation du cannabis, qui serait vendu avec une taxe fixée par l’Etat comme pour le tabac, rapporterait 1 milliard d’euros, estime l’économiste Pierre Kopp, professeur à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris-I) dans un entretien au Monde daté de demain. Pierre Kopp a comparé le coût de la politique de lutte contre le cannabis à celui d’une éventuelle autorisation.
"Légaliser ne conduirait pas à une explosion de la consommation si la taxe fixée par l’Etat permettait de maintenir le prix actuel (environ 5,50 euros le gramme). Le prix est la variable essentielle : s’il était trop élevé, cela susciterait du trafic. S’il était trop bas, la consommation pourrait se développer. Il devrait en fait être un peu plus élevé qu’aujourd’hui pour compenser la disparition du risque que comporte l’achat (vol par le
dealer, interpellation par la police, etc.)", estime M. Kopp.
Pour évaluer l’impact du coût de l’usage du cannabis pour la collectivité, M. Kopp affirme prendre en compte notamment les conséquences pour les finances publiques, des dépenses de répression, les profits des réseaux criminels... Selon lui, avec une légalisation, on pourrait épargner 300 M EUR de dépenses dues aux interpellations d’environ 80.000 personnes, et même davantage car il faudrait ajouter les dépenses dues aux gardes à vue, au fonctionnement des tribunaux et à l’exécution des peines. Cela permettrait d’encaisser une taxe approximativement égale à 1 milliard d’euros. "Au final, du temps et des moyens pourraient être réalloués à la prévention et à la lutte contre le trafic des autres drogues", estime-t-il.
L’ancien ministre PS de l’Intérieur Daniel Vaillant, un groupe d’élus PS, la secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts Cécile Duflot, ou le maire EELV de Sevran, Stéphane Gatignon, se sont prononcés pour la légalisation du cannabis, qui permettrait d’en finir avec le trafic qui empoisonne les banlieues, et afin de garantir la qualité de ce produit. A l’instar des membres du gouvernement, notamment le ministre de l’Intérieur Claude Guéant, le président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC) Jean-Pierre Chevènement et Hervé Morin, président du Nouveau Centre, se sont déclarés hostiles à cette dépénalisation.
ETUDES
Projet OptoPath – Plateforme d’innovation en Psychopathologie expérimentale à Bordeaux
Lettre de la MILDT, juillet 2011
Le projet OptoPath, a reçu 6 millions d’euros pour la création d’une plateforme d’innovation en psychopathologie expérimentale chez le rongeur.
Ce projet porté par Véronique Deroche Gamonet, chercheur au neurocentre Magendie à Bordeaux (InsermU862) fait partie des 52 lauréats de l’appel à projets "Equipements d’excellence" financé dans le cadre du Grand Emprunt.
La plateforme Optopath a pour but de créer les outils pour favoriser l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques dans des psychopathologies majeures dont l’addiction, l’obésité, le SSPT (syndrome de stress post traumatique) et les troubles mnésiques liés au vieillissement.
Elle vise à développer et coupler in vivo, des modèles comportementaux et des outils innovants pour étudier les mécanismes cérébraux de ces pathologies. La stratégie originale établie pour l’addiction* sera appliquée pour créer des modèles pertinents reproduisant au plus près les critères diagnostiques des pathologies. Les outils d’investigation neurobiologique les plus innovants (optogénétique, électrophysiologie multi-sites et microscopie in vivo) seront adaptés pour être couplés à ces préparations comportementales.
Aux côtés du neurocentre Magendie (INSERM) et de l’IMN (Institut des Maladies Neurodégénératives, CNRS), le Pôle de recherche et d’enseignement supérieur de l’Université de Bordeaux ainsi qu’ Imetronic, Servier IRIS et Fluofarma sont partenaires de ce projet de plateforme unique à la disposition de la communauté scientifique locale, nationale, européenne et internationale.
*Deroche-Gamonet et al. (2004) Evidence for addiction-like behavior in the rat. Science, 305(5686):1014-7.
*Kasanetz et al. (2010) Transition to addiction is associated with a persistent impairment in synaptic plasticity. Science, 328(5986):1709-12.
CONSOMMATION
Présentation des données du Baromètre santé sur les niveaux d’usage de substances psychoactives chez les adultes
Lettre de la MILDT, juillet 2011
Le 29 juin, les premiers résultats du Baromètre santé 2010 sur les usages de substances psychoactives chez les adultes ont été présentés lors d’une conférence de presse où sont intervenus Etienne Apaire, président de la MILDT, Thanh Le Luong, directrice générale de l’INPES et Maud Pousset, directrice de l’OFDT. Le dernier Baromètre santé avait été publié en 2005.
En ce qui concerne le cannabis, environ un tiers des adultes déclare en avoir déjà consommé. Cette légère hausse de l’expérimentation de 4 points est mécanique car liée à ce qu’on appelle un effet de « stock » des générations anciennes de consommateurs. Depuis 2005, toutes les autres formes d’usage sont stables. Les jeunes générations et les hommes sont davantage concernés par ces usages.
L’usage d’ecstasy est pour sa part en recul, avec là aussi une expérimentation en augmentation de 0,7 point, liée à l’effet de stock de générations anciennes de consommateurs. En revanche, l’usage dans l’année diminue de 0,5% à 0,3% en cinq ans.
La consommation de cocaïne est en hausse et notamment l’expérimentation qui a augmenté de moitié depuis 2005 (2,5% à 3, 8%) alors que l’usage dans l’année se situe autour de 0,9%. Avec ces chiffres, la France est dans la moyenne européenne mais nettement derrière l’Espagne, le Royaume - Uni et l’Italie.
L’enquête fait par ailleurs état d’une légère hausse de l’expérimentation d’héroïne, de champignons hallucinogènes et d’une augmentation de la diffusion des poppers.
Si la baisse de consommation d’alcool au quotidien se poursuit (16% contre 12%), les épisodes d’ivresse au cours de l’année sont en revanche en augmentation (de 15% à 19%) et plus particulièrement chez les jeunes femmes avec une hausse de 20 à 34%.
Pour le tabac, on constate une augmentation du nombre de fumeurs de 28 à 30% avec un nombre de cigarettes fumées quotidiennement en recul (de 15,3 à 13,8 cigarettes).
Lors de cette conférence de presse, Etienne Apaire a annoncé que les poppers, substances inhalées pour leur effet euphorisant et dont l’usage est en hausse, allaient être totalement interdits à la vente en France.
PRODUITS
Poppers : publication au Journal Officiel d’un arrêté portant application d’une partie de la réglementation des stupéfiants
Lettre de la MILDT, juillet 2011
Parution au Journal Officiel du 7 juillet 2011 de l’arrêté du 29 juin 2011 du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé "portant application d’une partie de la réglementation des stupéfiants aux produits contenant des nitrites d’alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques et leurs isomères".
A l’exception des médicaments, l’offre et la cession au public des produits contenant des nitrites tels que ceux contenus dans les poppers, sont interdites. La sanction prévue par l’article L5432-1 du code de la santé publique est de 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende.
Fin de la tolérance pour le poppers
LIBERATION 11/07/2011 (Source AFP)
Ces substances inhalées pour leur effet euphorisant seront désormais interdites en France en vertu d’une réglementation sur les stupéfiants.
Les poppers, substances inhalées pour leur effet euphorisant et dont l’usage est en hausse, viennent d’être interdits en France par les autorités sanitaires en vertu d’une réglementation sur les stupéfiants.
Cette interdiction, qui fait l’objet d’un décret en date du 29 juin paru au Journal Officiel du 7 juillet, avait été évoquée le jour même de la signature du décret par Etienne Apaire, président de la Mission interministérielle de Lutte contre les Drogues et Toxicomanies.
« La consommation des poppers est très nocive pour la santé », avait-il alors souligné à l’occasion de la présentation du Baromètre Santé 2010, réalisé par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes).
Selon cette enquête, les poppers ont vu leur diffusion augmenter, 5,3% des 18-64 ans en ayant consommé au cours de leur vie contre seulement 3,9 % en 2005.
Bien qu’ils ne soient pas considérés comme des stupéfiants, le ministère de la Santé a décidé de réglementer l’accès aux poppers, affirmait Etienne Apaire, en expliquant que « les poppers ne seront plus accessibles au public » sauf prescription sur ordonnance.
Le décret stipule que « l’offre et la cession au public des produits, à l’exception des médicaments, contenant des nitrites d’alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques et leurs isomères sont interdites ».
L’usage des poppers entraîne une dilatation des vaisseaux. Ils sont également utilisés dans le but d’optimiser les performances sexuelles.
Les poppers contenant des nitrites de pentyle ou de butyle sont interdits à la vente en France depuis 1990. Quelques poppers à base de nitrites d’amyle ou de propyle sont encore disponibles dans certains établissements (sex-shops, clubs et bars gays) et par internet.
Un décret de novembre 2007 avait pour objectif d’élargir le cadre de l’interdiction en incluant les nitrites d’amyle ou de propyle. Ce décret avait été annulé en Conseil d’Etat le 15 mai 2009.
De plus en plus de nouvelles drogues de synthèse en Europe
LIBERATION – 11/07/2011 (Source AFP)
Un rapport de la Commission européenne publié lundi [11 juillet] recense 41 substances de ce type dans l’UE en 2010, contre 24 un an plus tôt.
De plus en plus de drogues de synthèse sont apparues en un an dans l’Union européenne, où elles sont vendues légalement malgré leurs dangers et leurs effets similaires à l’ecstasy ou la cocaïne, a dénoncé ce lundi la Commission européenne. Selon un rapport de la Commission publié lundi, quelque 41 substances de ce type ont été recensées dans l’UE en 2010, contre 24 un an plus tôt. Ces nouvelles drogues sont souvent basées sur des produits chimiques qui ne font l’objet d’aucune réglementation sur le plan international.
Quelque 5% des jeunes Européens (15-24 ans) déclarent en avoir consommé, une statistique qui atteint 16% en Irlande, 9% en Pologne et Lettonie et 8% au Royaume-Uni et 7% au Luxembourg. En France la proportion est de 5%.
Pour les 5% de personnes interrogées qui reconnaissent consommer des drogues de synthèse, les principales sources d’approvisionnement sont des amis (54%), des contacts lors de soirées ou en discothèque (37%), des magasins spécialisés (33%) ou l’internet (7%).
La commissaire européenne en charge de la Justice, Viviane Reding, a estimé qu’il fallait « agir à l’échelon de l’Union afin de protéger nos enfants », en renforçant les règles en vigueur pour mieux détecter ces substances, et en veillant « à ce que que notre cadre législatif soit solide et efficace pour y faire face ».
TRAFIC, POLICE, JUSTICE
Un petit pétard et les médias s’enflamment
LIBERATION 7/07/2011 – Par MARWAN CHAHINE, THIBAULT LONCKE
Journalisme. A Champigny-sur-Marne, une banale pétarade devant un commissariat provoque un emballement de la presse.
C’est un embrasement qui ressemble fort à un enfumage. « La double attaque du commissariat » de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) du week-end dernier se révèle être un pétard mouillé. Faits exagérés, mobile inventé, emballement médiatique : ou comment un accrochage réel mais mineur entre jeunes et policiers est devenu, dans les médias, une attaque délibérée et violente de délinquants pour préserver le trafic de drogue.
« Mortiers ». Dans le quartier réputé sensible du Bois-l’Abbé, mardi après-midi, plusieurs habitants ignorent tout ou presque des incidents du week-end. Certains en ont « entendu parler à la télé », peu y ont assisté. En tout cas, l’affaire ne semble pas perturber la tranquillité de ces cinq résidents de la cité qui bavardent au soleil en regardant distraitement les courses en terrasse d’un café PMU. Même calme apparent devant le commissariat, en plein cœur de la cité. De nombreux véhicules de police sont stationnés devant, mais ni les murs ni le sol ne portent de trace d’une quelconque attaque. Tout juste observe-t-on, au premier étage, une vitre fissurée et, aux abords, une plaque de rue décrochée. De source policière, ces « dégradations » sont « indépendantes » des récents événements. On est loin de la description ultraviolente et du climat insurrectionnel relayés dimanche et lundi par plusieurs médias. Que s’est-il réellement passé et pourquoi cette affaire a-t-elle pris de telles proportions ?
Tout commence dimanche matin à 8 h 11. L’Agence France Presse (AFP) fait état de neuf interpellations à Champigny après l’attaque d’un commissariat. Citant une source policière anonyme, la dépêche mentionne « une vingtaine de jeunes munis de mortiers, de barres de fer et de divers projectiles… [qui ont] attaqué le commissariat […], s’en prenant aux locaux et aux fonctionnaires de police présents ». Un peu plus loin, le même policier explique que « les jeunes […] protestaient contre la mise en place […] d’une unité de police spéciale chargée de patrouiller pour mettre fin aux divers trafics ». Et de conclure : « en mesure de représailles, ils s’en sont pris au commissariat local ».
Trois heures plus tard, la dépêche AFP est complétée avec la version bien plus nuancée de la préfecture qui évoque« un petit attroupement de quelques gamins, à proximité du commissariat, qui ont allumé des pétards. » Et indique que « des petites fusées de feux d’artifices ont été projetées à un moment vers les policiers ». Pour la préfecture, « c’est plus une connerie de gamins désœuvrés qu’une opération programmée ».
Mais ces propos mesurés ont peu d’écho. Dès le dimanche après-midi, c’est la version du policier qui est reprise en boucle avec un minimum de précautions. « Vingt personnes attaquent un commissariat » titre France Soir. La Croix de lundi (rédigée dimanche) débute son article en soulignant « qu’une marche de plus a été franchie, ce week-end, dans l’échelle des violences qui sévissent quotidiennement entre certains jeunes habitants des quartiers populaires et des policiers ».
La sauce prend encore plus lundi matin après que plusieurs engins incendiaires sont lancés devant le commissariat, visiblement en réaction aux interpellations. Un véhicule administratif est légèrement endommagé. Si l’AFP se montre de plus en plus prudente faisant part « d’interrogations » sur les causes de ces violences et usant de guillemets pour parler des attaques, RTL, elle, fait réagir des habitants « inquiets » dont certains témoignent de leur souhait de quitter le quartier. BFM, à l’origine de l’info ensuite reprise par l’AFP, filme la vitre brisée et indique, comme une évidence, que c’est pour protester contre les nouveaux effectifs policiers que des jeunes ont attaqué le commissariat le premier soir. Réaction du ministère de l’Intérieur en début d’après-midi, qui dénonce alors des « actes sérieux » et, selon la rhétorique habituelle, y voit un « signe de l’efficacité politique contre la délinquance » dans le fait que « davantage de présence policière gêne les délinquants dans leurs trafics ». Quant au magistrat Philippe Bilger, il s’indigne sur son blog de cette « offensive concertée contre l’autorité policière ». L’emballement baisse progressivement lundi soir à mesure que des policiers et des élus locaux accréditent l’hypothèse d’incidents mineurs et d’un accrochage fortuit.
« Déformation ». Jointe par Libération, Florence Biedermann, rédactrice en chef à l’AFP, estime que l’agence « a fait ce qu’elle avait à faire » en s’appuyant sur « des sources qu’on connaît ».« On n’est pas maître de l’ampleur du phénomène », poursuit-elle. Dominique Adenot, maire communiste de Champigny, dénonce, pour sa part, une « déformation » par les médias. « C’est vrai que les faits ont été exagérés mais au moins on parle de la ville et ça pourrait amener plus d’effectifs », estime un policier syndicaliste.
La situation agace d’autant plus que le quartier semble s’être apaisé, à en croire les habitants. La raison invoquée par certains d’entre eux et par des syndicalistes policiers : les dealers font en sorte que le quartier reste tranquille afin de préserver leur commerce ; le buzz nuit au biz… Un des jeunes, qui dit avoir participé aux jets de pétards, « des petits bisons », confirme : « On ne fait pas de conneries devant le commissariat sinon les grands nous frappent. »
Silk Road : un site de livraison de drogue à domicile en sursis
LIBERATION.fr – 13/07/2011
Pas de balle perdue au milieu d’un trafic en pleine rue ni de cache-cache avec la police. Depuis le mois de février, un marché noir de la drogue est en ligne, sous le nom de Silk Road. Ce site internet, que l’on compare à un Amazon des substances illicites, permet aux dealers comme aux acheteurs de commercer en toute sécurité. Ah si seulement Walter White avait su ça plus tôt...
Accessible via un réseau décentralisé et crypté, TOR, qui ne permet pas la traçabilité de ses utilisateurs, Silk Road et ses membres n’auraient aucun souci à se faire. Après un téléchargement rapide de TOR et une fois l’ URL (secrète) de Silk Road connue, il suffit de se créer un compte sur le site. Pas besoin d’enregistrer son adresse mail, ni aucune coordonnée personnelle. Hasch, héroïne ou encore LSD, les acheteurs n’ont qu’à passer leur commande et un petit colis sera déposé au pas de leur porte dans les jours qui suivent. Seulement voilà, pas de colis sans contrepartie monétaire. Et là encore, les petits malins à l’origine du site on trouvé la solution : utiliser une monnaie virtuelle, appelée BitCoin.
Cette monnaie, créée il y a deux ans par un mystérieux Japonais répondant au nom (ou au surnom) de Satoshi Nakamoto, fonctionne sur le modèle du peer-to-peer. Ainsi, elle échappe totalement à l’autorité des États et ne passe pas par l’intermédiaire des banques. Cependant, les BitCoins sont eux aussi soumis aux spéculations, qui peuvent leur faire acquérir plus ou moins de valeur d’un jour sur l’autre. Leurs transactions, publiques, n’utilisent que les adresses BitCoin préalablement acquises par les utilisateurs de cette devise alternative. Aucun tiers ne peut donc empêcher ou contrôler ses transferts ; une aubaine pour le site Silk Road.
Mais c’est là que tout se corse. Deux sénateurs américains, les démocrates Charles Schumer et Joe Manchin, s’inquiètent de l’ampleur grandissante que prend cette monnaie, qui n’est soumise ni au contrôle du gouvernement, ni à celui de la Réserve fédérale. En effet, au-delà d’être utilisée dans la vente de drogues illégales sur Silk Road, BitCoin séduit de plus en plus de libertaires. Cette devise, qui ne tire sa valeur que de son acceptation comme moyen de paiement, est présente sur de nombreux sites, listés par BitCoin.
Dans une lettre ouverte, les deux sénateurs demandent au procureur général des Etats-Unis, Eric Holder, de sévir contre Silk Road. « Le seul moyen de paiement de ses achats illégaux passe par une monnaie intraçable connue sous le nom de BitCoin. Après avoir acquis des BitCoins, l’utilisateur peut créer un compte sur Silk Road et commencer à acheter les drogues illégales d’individus situés dans le monde entier. Nous vous exhortons de prendre une décision rapidement et de fermer ce réseau », écrivent-ils. En se servant de son usage illicite, les sénateurs pourraient décimer BitCoin. En effet, par le biais de certaines techniques sophistiquées, le gouvernement pourrait analyser toutes les transactions, qui sont enregistrées, et traquer chaque utilisateur. Silk Road pourrait ainsi fermer ses portes très prochainement. Ses membres, eux, se félicitaient d’avoir tenu si longtemps.
A Mayotte, le jeu des gendarmes et des dealers
LIBERATION – 1/08/2011 Enquête - Par RÉMI CARAYOL MAYOTTE, correspondance
Après l’overdose d’une lycéenne, des aveux d’indics ont entraîné des mises en examen parmi les forces de l’ordre pour trafic de stupéfiants.
Le 14 janvier au soir, Mathias B., un Mzungu (un « Blanc ») déjà condamné à trois ans de prison pour trafic de stupéfiants dans un passé proche, sniffe chez lui de la poudre avec Roukia, sa petite amie, une gamine paumée de 18 ans. La jeune lycéenne ne s’en relèvera pas. Il prétend ne pas savoir que ce qu’ils consomment, ce soir-là, n’est pas de la cocaïne comme d’habitude, mais de l’héroïne. Il n’a donc aucune chance d’anticiper l’émoi que sa mort soulèvera au sein de la société mahoraise, pas plus que la tempête juridico-policière qu’elle entraînera. Une tempête comme jamais l’île de Mayotte, officiellement devenue le 101e département français le 31 mars, n’en avait connu.
Mercredi dernier, deux gendarmes et un policier, tous trois membres du groupement d’intervention régional (GIR) - une structure créée dans l’île en 2008 pour lutter contre les trafics en tous genres et qui regroupe policiers, gendarmes, douaniers, agents fiscaux -, ont été mis en examen pour « transport, cession, usage et détention de stupéfiants ». Deux d’entre eux ont également été mis en examen pour « homicide involontaire ». Placés sous contrôle judiciaire, ils ont été suspendus de leurs fonctions.
Fuites. Ils sont soupçonnés d’avoir organisé sur l’île une partie du trafic de stupéfiants, dont serait issue l’héroïne qui aurait été fatale à Roukia. Leur « patron », le capitaine Gérard Gautier, a été placé sous le statut de témoin assisté par le juge d’instruction, Hakim Karki. Pour l’heure, ce dernier résiste aux pressions du parquet, lequel s’opposait à ces mises en examen et a demandé le dépaysement de l’affaire. D’abord réticent, le procureur, Philippe Faisandier, s’y est résolu. Trop de fuites dans la presse. Trop d’intimité entre les différents protagonistes : le magistrat instructeur a longtemps travaillé avec les mis en cause, et son principal enquêteur en charge de la section de recherches (SR) de Mayotte, le lieutenant Michel Alise, muté récemment, était un ami du capitaine Gautier. Trop d’incertitudes enfin, concernant un juge réputé incontrôlable.
« Impunité ». Accueilli comme le messie lors de son arrivée à Mayotte il y a un an, Hakim Karki s’est mis une bonne partie de ses confrères à dos depuis. « C’est un gros travailleur », constate l’un d’eux. « Lorsqu’il est arrivé, le cabinet d’instruction était sinistré. Il l’a remis d’aplomb. Mais il passe aujourd’hui pour un justicier qui tire sur tout ce qui bouge. » A son palmarès des mis en cause ces derniers mois : des policiers accusés de violences, un armateur qui a l’oreille des puissants, le maire (UMP) du chef-lieu, Mamoudzou, des fonctionnaires de la préfecture soupçonnés d’avoir trempé dans un trafic de faux papiers… « On est passé d’un excès, l’impunité totale pour les puissants, à un autre, zéro tolérance », estime un avocat de Mamoudzou.
Sous sa coupe, l’affaire Roukia est devenue celle du GIR. Au début pourtant, les gendarmes de la section de recherches n’avançaient pas. Après avoir découvert le corps de Roukia à moitié enfoui dans les environs de Trévani, au nord de Mamoudzou, couvert d’hématomes, ils ont d’abord cru à un meurtre. Premier émoi à Mayotte, où les crimes de sang sont extrêmement rares. Puis ils ont privilégié la piste de l’overdose. Nouvel émoi dans une île où il était impensable, pour la plupart des 200 000 habitants, qu’une Mahoraise consomme des drogues dites dures.
L’ami de Roukia, Mathias, le confirmera lors de son audition, les analyses aussi : le 14 janvier, la jeune fille a consommé de la poudre (« pas beaucoup, deux petites traces », affirme-t-il) dans la maison de son ami. Elle ne s’est pas réveillée. Le lendemain, pris de panique, il a déplacé son corps pour faire croire à un meurtre. Mais cela n’a pas marché. Mathias était connu de la famille de Roukia. Il a donc été entendu et confondu. Au juge qui l’a mis en examen pour « homicide involontaire », il donne rapidement le nom de ses deux fournisseurs, Daniel M. et Saïd A.M. Deux Comoriens en situation irrégulière qui - le juge l’apprendra lors de leur audition - sont des « indics » immatriculés au GIR. On les appelle des « tontons ». Des « tontons » bavards.
« Magnégné ». Dans le bureau du juge, ils reconnaissent avoir fourni de la poudre à Mathias, certainement celle qui a tué Roukia. Mais cette poudre, assurent-ils, était auparavant passée entre les mains de plusieurs membres du GIR… Selon leur version, Daniel serait allé voir son contact au GIR, pour lui parler d’un fournisseur intéressé par l’envoi de poudre à Mayotte. « Qu’il en envoie une petite quantité. On doit la tester », lui aurait répondu le gendarme.
Quelques semaines plus tard, un autre de leur contact au GIR, « Daniel Papa », les aurait convoqués à la gendarmerie et leur aurait rendu la came. « C’est du magnégné », leur aurait-il dit - une expression courante dans l’île pour évoquer un travail bâclé.
La drogue remise « était dans une enveloppe de la gendarmerie », affirme Saïd - nom d’indic : Saha, surnom dans le milieu : « Palet » - devant le juge, le 21 juillet. Dans le PV d’audition dont Libération a pris connaissance, il ajoute : « On m’a dit que c’était de la cocaïne. »
« Saha », indic du GIR depuis 2009 après avoir informé la BAC trois ans durant, est connu dans le petit monde des stups comme un sacré veinard, lui qui n’a jamais été inquiété. Il avoue, lors de cette audition, n’y rien connaître aux drogues dures. Son truc, c’est l’herbe. Mais il certifie que la blanche vendue à Mathias était celle de l’enveloppe.
A en croire les indics, si ce n’était la mort de la jeune fille, il n’y avait là rien d’exceptionnel. Habituellement, « le boss me donne […] juste pour revendre et de quoi vivre », assure « Saha » au juge le 21 juillet. Sur quatre opérations, « Saha » dit n’avoir été payé qu’une fois (500 euros). Le reste du temps, la carotte avait la forme d’un simple papier : un titre de séjour. Un autre informateur du GIR joint par Libération, qui a exigé l’anonymat, confirme : « On est tous dans ce cas. On fait ça pour des papiers. Mais ils ne font que des promesses. Ils nous donnent des récépissés, mais jamais le titre de séjour. »
Selon une source proche de l’instruction, le GIR compte 42 indics immatriculés. Tous sont des Comoriens en situation irrégulière. Tous se sont vu promettre des papiers. Lors d’une perquisition menée le 26 juillet à la préfecture, le juge Karki aurait retrouvé les titres de séjour de ces indics. La préfecture n’a pas réagi. Me Saïd Larifou, l’avocat de « Saha », a immédiatement dénoncé « un chantage odieux ».
Ecoutes. Un magistrat anciennement en poste à Mayotte confirme : « Pour les non-délinquants, c’est effectivement ce que l’on promet. Il peut arriver qu’on rémunère en argent, comme la loi le permet, mais c’est rare. » Il relativise aussi : « Ce n’est pas propre à Mayotte. Partout, cela fonctionne ainsi. » Le problème, à en croire les indics, c’est que les pratiques du GIR ne s’arrêtaient pas là. Le 21 juillet, le juge Karki interroge « Saha » : « Etait-il courant que le GIR fasse ramener [à Mayotte, ndlr] des produits stupéfiants ? » La réponse fuse : « Ah oui là c’est sûr. » Plus tôt dans l’interrogatoire : « Le GIR avait ses propres bateaux avec ses propres commandants. Si j’ai quelqu’un qui est à Anjouan qui a de la stup […], je vais parler au GIR et je lui [donne] toutes les informations et c’est le GIR qui organise tout ça. »
« Ils avaient leurs propres passeurs. C’est eux qui déterminaient la plage où ils devaient arriver. Quand ils arrivaient, le fournisseur était arrêté, mais pas les passeurs, qui repartaient », raconte l’indic à Libération. Des écoutes téléphoniques versées au dossier, dont Libération a eu connaissance, confirment ces assertions. L’une d’elles, du 10 mai, révèle une conversation entre un des gendarmes mis en examen et « Amed », un indic basé à Anjouan, dans le but d’importer plusieurs produits (« du blanc, du chocolat et de l’herbe »).
La blanche est négociée à 2 100 euros le kilo, l’herbe à 250. « J’aime pas traiter au téléphone car aujourd’hui, c’est pas du tout facile […]. Je veux commencer doucement car c’est la première fois avec toi. Après, si ça marche et que ça arrive chez nous, et que c’est rentable, on fera des grosses affaires », explique le gendarme. Qui ajoute : « Si je fais une affaire avec quelqu’un, j’aimerais bien le rencontrer, mais pas sur terre. Je veux qu’on se rencontre au milieu de l’océan, c’est plus sûr. »
Plus tard, le gendarme indique qu’il va informer ses collègues. Selon un magistrat, « cela s’apparente à ce qu’on appelle "un coup d’achat" dans le jargon. La loi autorise des enquêteurs à acheter de la drogue pour mettre un pied dans les réseaux. » Pourtant, assure le défense des membres du GIR, « il n’y a pas de coup d’achat à Mayotte ». « Il n’y en a pas besoin, affirme un ancien magistrat de Mayotte. Dans cette île, les stups rentrent en permanence [en provenance de Madagascar ou de la Tanzanie, ndlr] et on ne manque pas d’informations. Et puis, c’est très compliqué à mettre en place… »
Pourquoi, alors, les membres du GIR auraient-ils organisé un tel trafic ? Selon un magistrat anciennement en poste à Mayotte, la thèse de la prime aux résultats ne tient pas : « Le capitaine Gautier était à un mois de la retraite. Le risque n’en vaut pas la chandelle. » Le commandant du GIR, nommé à sa tête dès sa création, jouit d’une bonne réputation. La course aux résultats, alors ?
Lors du premier trimestre 2011, les saisies de stups auraient atteint le niveau de toute l’année 2010. Un des « tontons » rappelle que tous les membres du GIR ont eu des promotions - « tandis que nous, on reste sans travail, toujours dans la peur ». Mais c’est normal, affirme un ancien magistrat de Mayotte : « Aujourd’hui, les stats concernant la lutte contre le trafic de drogue ne peuvent que s’améliorer. On est partis de zéro il y a cinq ans. On est encore dans une phase où le trafic progresse, et où les enquêtes progressent. »
Précarité. Les mis en cause récusent avec force, par la voix de leur avocate, Me Fatima Ousséni, être des « ripoux ». Leurs soutiens parlent d’enjeux de pouvoir autour du GIR. Il y a aussi des cas de conscience : le chef de la section de recherches, Michel Alise, un ami du capitaine Gautier, a été chargé par le juge de le mettre sur écoutes…
Et le déballage d’indics est à prendre avec des pincettes : « Ce sont des sans-papiers. Ils sont dans une grande précarité. Ils se raccrochent à tout ce qu’ils peuvent », indique l’entourage des mis en cause. Qui évoque une possible guerre des polices et s’interroge sur ce juge, Hakim Karki, coauteur dans une autre vie d’un essai, Et Dieu créa l’Occident. La place de la religion dans la conceptualisation de la notion d’Occident. Et qui, lors de l’audition des gendarmes, a exigé une escorte policière armée et équipée de gilets pare-balles. « Même pour des détenus, on ne fait pas rentrer les escortes dans le bureau », souffle un magistrat éberlué par cette mise en scène.
INTERNATIONAL
BOLIVIE. Réconciliation avec la Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants
Lettre de l’IDPC, juillet 2011. La réconciliation de la Bolivie avec la Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants – Note d’incidence politique de l’IDPC. »
Le 29 juin 2011, la Bolivie s’est retirée de la Convention afin d’y ré-accéder avec une réserve sur la mastication de la feuille de coca. L’IDPC soutient pleinement cette décision et appelle la communauté internationale à soutenir le geste de la Bolivie. Lire la note (en anglais). Pour davantage d’informations, visitez le blog de l’Institut Transnational (TNI) « Gardiens des traités en détresse »
http://idpc.net/publications/idpc-advocacy-note-bolivia-withdraws-from-1961-convention?utm_source=IDPC+Monthly+Alert&utm_campaign=15e3cad102-IDPC_July_2011_Alert7_20_2011&utm_medium=email&utm_source=IDPC%3A+Alerte+Mensuelle&utm_campaign=5e6b83eb1b-Alerte_mensuelle_de_l_IDPC_Juillet_20117_28_2011&utm_medium=email
Le CAMBODGE adopte une loi inquiétante sur les drogues
Lettre de l’IDPC, juillet 2011
A la mi-juillet, le Premier ministre cambodgien a approuvé une loi controversée sur les drogues qui forcera les usagers de drogues à intégrer un programme de traitement de deux ans dans des établissements où d’anciens détenus ont signalé avoir été victimes de coups, de travaux forcés et de viols. Lire davantage (en anglais) : http://idpc.net/fr/alerts/cambodia-s-alarming-new-drug-law?utm_source=IDPC%3A+Alerte+Mensuelle&utm_campaign=5e6b83eb1b-Alerte_mensuelle_de_l_IDPC_Juillet_20117_28_2011&utm_medium=email
COREE.
La méthamphétamine de Corée du Nord, un casse-tête chinois
RUE89 - Par Benjamin Gauducheau | Aujourd’hui la Chine | 05/07/2011
(De Pékin) La Chine a lancé une campagne de lutte contre la prolifération de méthamphétamine produite en Corée du Nord. Mais le « royaume ermite » n’est pas très coopératif.
Pour la Chine, la Corée du Nord n’a jamais été un voisin facile, le régime est à bien des égards un poids pour Pékin. D’autant que, via la frontière entre les deux pays, de nombreux réfugiés, poussés par la faim et la misère, ne cessent d’affluer, dans l’espoir de rejoindre, après un long périple, la Corée du Sud.
Mais il est un domaine dans lequel la Chine ne semble plus prête à transiger : celui de la drogue, en grande partie de la méthamphétamine, que la Corée du Nord exporte illégalement dans les régions frontalières.
Les autorités viennent de lancer un vaste plan de lutte répondant au nom de code « vent fort », pour venir à bout de ce phénomène dévastateur.
Il faut dire qu’il y a de quoi s’inquiéter, car depuis des années la drogue fait son trou, notamment dans la province de Jilin.
Selon un rapport de 2010 de la Brookings Institution, il y avait officiellement 44 toxicomanes dans la ville frontalière de Yaji il y a vingt ans, alors que l’année dernière, on en recensait 2 100. Mais des officiels locaux interrogés par le magazine Newsweek s’accordent à dire que les chiffres réels seraient 5 ou 6 fois supérieurs.
Ce « pays frontalier » qu’on ne saurait nommer
Cependant, pour ne pas froisser son encombrant allié, la Chine évite pour l’instant scrupuleusement de le nommer, et sauve la face en affirmant que la drogue est issue d’un « pays frontalier ».
La provenance de cette substance hautement addictive ne laisse pourtant aucun doute.
La méthamphétamine est relativement facile à produire, tant en termes de procédés chimiques que de logistique. Et la Corée du Nord, pays montagneux presque totalement isolé du monde extérieur, est l’endroit parfait pour s’adonner à ce genre d’activités.
« Il y a si peu d’espoir en Corée du Nord »
La drogue est en outre un bon moyen de gagner de l’argent alors que l’économie du royaume ermite est totalement dévastée, d’autant qu’elle est aussi largement consommée en interne, notamment dans un but médicinal.
Elle y compense le manque total d’infrastructures et de matériels médicaux, comme l’explique un travailleur humanitaire sud-coréen, sous condition d’anonymat, à Newsweek.
« Les gens souffrant de maladie chronique en prennent jusqu’à y être dépendants. Ils en prennent pour des choses comme le cancer. Cette drogue est leur seule forme de traitement. »
Mais la méthamphétamine peut aussi avoir des usages plus quotidiens : alors que selon toute vraisemblance, beaucoup de Nord-Coréens souffrent de malnutrition, sa vertu de coupe-faim peut être appréciable, de même que l’euphorie qu’elle procure.
Shin Dong Hyuk, l’une des rares rescapées des goulags nord-coréens, commente : « Il y a si peu d’espoir en Corée du Nord. C’est pour ça que c’est devenu si populaire. Les gens ont perdu espoir. »
La Chine fait cavalier pour ne pas irriter Pyongyang
Le fléau est donc désormais bien présent au pays du leader éternel Kim Il-sung, qui en avait été longtemps préservé. Et il semble que l’Etat en ait au moins partiellement abandonné la gestion à des « privés ».
Le temps des diplomates nord-coréens arrêtés aux frontières avec leurs valises pleines de substances illicites, comme cela est arrivé de nombreuses fois depuis 35 ans, semble donc révolu.
C’est en tout cas ce qu’avance Andrei Lankov, chercheur à l’université Kookmin de Séoul, dans Asia Times. Selon lui, l’Etat relâche son monopole depuis 2005, au profit d’une multitude d’entrepreneurs privés désormais tolérés par le régime, et qui font transiter la drogue en traversant illégalement le fleuve-frontière.
Alors, la Chine agit de son côté. La semaine dernière, les autorités ont arrêté dix Chinois en possession de 450 grammes de méthamphétamine.
Mais l’Empire du milieu risque de ne pas de réussir à enrayer le phénomène, en tout cas pas tant qu’il fera cavalier seul pour ne pas irriter la Corée du Nord.
Car, même en renforçant les sanctions envers les trafiquants, il est peu probable que la Chine arrive à les dissuader, ceux-ci venant de toutes façons d’un pays qui, à bien des égards, ressemble déjà à une prison à ciel ouvert.
ESPAGNE. La petite fumée d’Espagne
LIBERATION 2/07/2011
Dans les archives de « Libé », il y a vingt-huit ans. Depuis le 18 juillet 1983 et l’entrée en application de l’article 344 du code pénal espagnol, l’usage et la détention de drogue pour consommation personnelle ne sont plus poursuivis. Une première en Europe.
Par Jean-Paul Géné Envoyé spécial à Madrid (Libération du 18 juillet 1983)
Chocolate ? Chocolate ? Autant vous mettre au parfum si vous ne le saviez pas. En Espagne, chocolate = haschich, de préférence marocain. Le premier quartier de lune s’est levé sur la Plaza Dos de Mayo dans le quartier de Malasaña à Madrid. La jeune fille qui me propose ses friandises pousse un landau. Sur le coup de minuit, son bambin semble en pleine forme. La mère a déjà glissé sa main sous son chemisier, sortant de son sein une boule de hasch. J’ai juste marchandé pour le principe. « Tu comprends, il me faut de l’argent pour le petit. » N’importe quoi, mais peu importe. La qualité était acceptable, et pour la première fois, je rencontrais une dealeuse materna. Marché conclu. Comme tout le monde, je suis allé m’asseoir sur les marches, histoire de goûter le « chocolate ». Je n’étais pas le seul, ça roulait aux quatre coins de la place. Ouvertement.
Depuis ce lundi 18 juillet, l’usage et la détention de drogue pour consommation personnelle ne sont plus poursuivis en Espagne. L’article 344 du code pénal revu et corrigé par les Cortes socialistes (Parlement espagnol) est entré en application. Jusqu’à présent, on risquait jusqu’à vingt ans de prison pour usage, détention, fabrication ou trafic de drogue. Dorénavant, les deux premiers sont autorisés et les deux autres passibles d’une peine de six mois et un jour à six ans et un jour ainsi que d’une amende de 30 000 à 1 500 000 pesetas. Si la drogue ne produit pas de grave danger pour la santé (haschisch and co), on appliquera la peine minimum. Si, au contraire, le produit est considéré comme dangereux, s’il a été vendu à des mineurs, dans des établissements scolaires, des prisons, des casernes, s’il s’agit d’une grande quantité et si le délit a été commis par un membre d’une organisation clandestine vouée au trafic, la sentence pourra passer de six à douze ans.
Disons-le tout net : cette loi - certes incomplète à bien des égards - est une première européenne. Pour la première fois, un pays du continent ose enregistrer dans son code ce fait de société qui perturbe régulièrement ses voisins : des millions de citoyens fument et on ne peut plus les mettre en prison. Quelle mouche a piqué l’Espagne ? Pour le savoir, je suis allé dans le bureau de Felipe González. L’ancien. Celui qu’il occupait au 6e étage du 165, Santa Engracia à Madrid, jusqu’à la victoire de son parti aux élections législatives du 28 octobre dernier. Aujourd’hui, Felipe, devenu Premier ministre, tient quartier à la Moncloa et les Jeunesses socialistes ont hérité du fauteuil de l’ex-chef de l’opposition.
Cette réforme du code pénal en matière de drogue est un peu leur bébé. Magdy Martinez, chargé des relations internationales et spécialiste ès drogues, a les idées claires : « Les effets de cette substance stupéfiante sur la santé sont négligeables par rapport à ceux causés par les drogues légales [tabac, alcool, etc.]. D’autre part, le choix, de consommer des drogues, de quelque nature qu’elles soient, relève de la liberté individuelle. […] Ils disent que le haschisch rend fou. J’en avais marre d’entendre ces raisonnements débiles. »
Les Jeunesses socialistes aussi. Elles l’ont écrit dans leur motion et l’ont soumise au parti dès 1975. « On s’est fait claquer la porte à cette époque. Franco était à peine enterré et le combat politique en faveur de la démocratie était prioritaire. »
La guérilla spontanée qui éclata dès la mort du Caudillo sur tous les fronts de la vie quotidienne n’était pas contradictoire. On attendait depuis trop longtemps pour patienter. Homosexualité, drogue, pacifisme, féminisme, avortement, divorce, écologie, rock’n’roll débarquaient au grand jour sur la place publique. L’Espagne avait soif de « moderne ». Durant la transition centriste d’Adolfo Suárez, les choses restèrent en état d’incubation. De source policière, on affirme que, voici six ans, seuls 5% du volume de hasch qui traversait l’Espagne, en transit vers les pays de la CEE, étaient consommés sur place. Aujourd’hui, les mêmes experts affirment que 25% sont nécessaires aux besoins locaux et que l’Espagne se classe en deuxième position, derrière les Pays-Bas, au hit-parade de la fumette européenne.
Les socialistes ont remporté une victoire sans bavure. La quarantaine et moins, à l’image de leur leader, ils ont connu l’exil, la prison parfois, et savent qu’ils ont été élus sur un slogan : « Il est temps de changer. » La réforme du code pénal, qui entre en application aujourd’hui, a été approuvée par 187 voix contre 74 et une abstention. D’un seul coup, les Cortes autorisaient la consommation de drogue, les opérations transsexuelles, supprimaient le droit de grâce préemptif que la victime d’un viol accordait généralement à son agresseur sous la pression de l’idéologie dominante, établissaient l’égalité des religions et ramenaient la conduite sans permis au simple rang d’infraction. Sans compter les lois sur le divorce, l’avortement ou l’allégement de la détention provisoire, qui ont mobilisé les secteurs les plus rétrogrades qui crient au viol de la morale franquiste avec la bénédiction des curés.
Paradoxe, la réforme en matière de drogue n’a pas suscité de grande polémique en dehors des milieux spécialisés. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à la qualifier d’incomplète, notamment dans les rangs communistes du PSUC de Catalogne. Principal grief : la loi ne précise pas la quantité autorisée pour la consommation personnelle. Entre 100 grammes et un kilo, la nuance pèse son poids… Certes, les décrets d’application qui vont être pris pourraient combler cette lacune, mais ce sera plutôt la jurisprudence qui fixera la règle.
Seconde critique : la loi est hypocrite. Comment peut-on décriminaliser l’usage en continuant d’interdire le trafic ? Celui qui m’a expliqué la nécessité d’une régie d’Etat en matière de vente des joints est communiste. Pour lui, la loi socialiste s’est arrêtée à mi-chemin. « Une régie sans publicité mais qui garantit la qualité et la légalité du commerce, dont les bénéfices pourraient servir à financer les soins nécessaires aux vrais toxicomanes », voilà ce qu’il veut ! Non seulement il était communiste, mais il s’occupait d’un service de soins spécialisés qui accueille les junkies à l’hôpital de Barcelone. Un moment, j’ai cru rêver, mais en sortant j’ai vérifié ses dires sur la Plaza Real. La Gitane qui cachait ses yeux derrière des verres fumés s’est approchée : « Chocolate ? ». J’ai ouvert son paquet. Il sentait l’encens à plein nez. Avec la régie espagnole du « chocolate », tout cela n’existerait plus…
ESPAGNE. Le haschisch, remède anticrise
COURRIER INTERNATIONAL - 05.07.2011 | Raphael Minder | The New York Times
Dans le sud de la péninsule, Barbate, plaque tournante du trafic, se bat contre un fléau dont la police ne vient pas à bout. Surtout que c’est l’un des rares débouchés pour les jeunes de la région, explique The New York Times.
Au commissariat de Barbate, une ville portuaire d’Andalousie, les officiers ont affiché au mur un poster sur lequel on peut lire “Ils nous doivent le mois d’avril”, en référence au retard de paiement de leurs salaires. Autre conséquence de la situation économique difficile, la reprise du trafic de drogue, contre lequel ils se battent. “La situation est désastreuse et chaotique, raconte Rafael Romero, l’un des officiers. Il nous faut plus de bateaux, plus de véhicules, plus de tout, mais on n’a même pas l’argent pour réparer deux caméras de surveillance cassées.”
Barbate est au cœur d’une tempête : la crise fiscale a fait couler les finances publiques, le déclin du secteur de la pêche a fait bondir le taux de chômage jusqu’à un niveau jamais atteint en Espagne et le regain de l’activité dans le trafic de drogue gangrène la région en raison de sa proximité avec l’Afrique du Nord – il ne faut que quarante minutes aux puissants bateaux gonflables pour traverser le détroit de Gibraltar, essentiellement chargés de haschisch en provenance du Maroc.
Le maire de Barbate, Rafael Quirós, a retenu l’attention de tout le pays au cours de sa dernière campagne en suggérant qu’un jeune incapable de trouver un emploi qui se tournerait vers le trafic de drogue ne devait pas être automatiquement qualifié de délinquant. “Un jeune n’a absolument aucune chance de trouver un emploi fixe ici, a-t-il déclaré. Si les politiciens de Madrid considèrent que ma vision des jeunes qui dealent de façon occasionnelle est celle d’un homme des cavernes, c’est soit qu’ils ne comprennent pas, soit qu’ils ne se soucient pas des difficultés des personnes ici.”
Pourtant, à Barbate, tout le monde ne croit pas à la réalité des problèmes de drogue. Ainsi Miguel Molina, le leader local du parti andalou de centre droit, affirme-t-il : “De toute ma vie ici, on ne m’a pas une seule fois proposé de drogue.” Pourtant, à cinq minutes du siège de son parti, dans un quartier que la police décrit comme un haut lieu du trafic de drogue, deux jeunes ont garé leur BMW noire le long du trottoir. Lorsqu’on les interroge sur leur belle voiture, le conducteur ricane et explique qu’il l’a achetée “en revendant de la drogue, évidemment”. Un peu plus loin, une douzaine de jeunes traînent, certains admettant tout naturellement qu’ils vendent de la drogue et l’un deux proposant même un échantillon de haschisch. Parmi eux se trouve Paco, un jeune homme de 30 ans avec une grenouille tatouée sur le cou. Il raconte qu’il s’est fait arrêter en 2006 pour avoir essayé de faire passer à Barbate une cargaison de 600 kilos de haschisch. Il a été condamné à trois ans et neuf mois de prison. Depuis sa sortie, il n’a pas trouvé d’emploi et compte sur “plein de trucs différents” pour élever ses deux filles. Le temps passé derrière les barreaux ne l’a pas convaincu d’abandonner le trafic de drogue, explique-t-il, mais “de mieux le gérer”. Tout en indiquant que le prix de vente du haschisch est aujourd’hui d’environ 2 000 euros le kilo contre 800 euros quand il a été emprisonné, en 2006.
Barbate a également longtemps été un point d’entrée important pour les migrants africains illégaux. Toutefois, conséquence d’un nouveau système de surveillance vidéo à infrarouges pour suivre les bateaux, le port n’a pas vu de telles arrivées depuis plus de un an. “Pourquoi autant de shit continue de passer au travers, c’est quelque chose que je n’arrive tout simplement pas à comprendre, explique José Manuel Jiménez, qui travaille dans la police depuis quatorze ans. Il doit y avoir plus d’argent à se faire sur la drogue que sur les gens.” Un officier local qui souhaite conserver l’anonymat explique que ce qui a changé, c’est que “ceux qui contrôlent le trafic de drogue avaient auparavant des activités légales. La crise ayant fait disparaître ces activités, ils se recentrent maintenant sur la drogue.”
Quant à savoir ce qu’est une activité légale, c’est une autre histoire. Rafael Quirós explique que certains habitants de la ville sont devenus “des professionnels pour ce qui est de vivre des aides sociales”, même s’ils ont un emploi temporaire à côté. Cependant, beaucoup ne peuvent prétendre à ces allocations, n’ayant jamais eu d’emploi officiel. “Le problème, à Barbate, c’est qu’il y a plein de gars comme moi qui ont beaucoup d’expérience sans avoir jamais eu de vrai contrat de travail”, raconte Joaquín Gil Narváez, sans emploi depuis deux ans et demeurant chez sa mère. Il s’est récemment inscrit à des cours pour obtenir son permis de capitaine de bateau. “Je sais que la pêche n’a aucun avenir ici. Mais les cours sont gratuits et, au moins, je suis occupé.”
ESPAGNE. Les clubs de drogues : l’économie alternative du cannabis en Espagne
Lettre de l’IDPC, juillet 2011
Les imprécisions de la loi espagnole ont conduit au développement d’un modèle de consommation de drogue qui pourrait offrir une alternative plus économique et socialement équitable à la légalisation du marché. Lire davantage (en anglais) : http://idpc.net/fr/alerts/spain-s-alternative-cannabis-economy?utm_source=IDPC%3A+Alerte+Mensuelle&utm_campaign=5e6b83eb1b-Alerte_mensuelle_de_l_IDPC_Juillet_20117_28_2011&utm_medium=email
ETATS-UNIS. « La médecine et l’épidémie de l’incarcération aux Etats Unis »
Lettre de l’IDPC, juin 2011
(… tel est le titre d’un article publié dans The NEW ENGLAND JOURNAL of MEDICINE)
En 40 ans, la population incarcérée aux USA a augmentée de 600%, principalement à cause de la « guerre contre la drogue » américaine. Ce rapport préconise des changements dans le système judiciaire visant à encourager le traitement communautaire de réhabilitation, les soins médicaux en prison et un suivi après la remise en liberté des détenus. Lire l’article (en anglais) : http://idpc.net/sites/default/files/library/medicine-incarceration-nejm-060211.pdf
ETATS-UNIS. Le gouvernement publie sa stratégie nationale de contrôle des stupéfiants pour 2011
Lettre de l’IDPC, juillet 2011
Cette stratégie coordonne une approche gouvernementale centrée sur la santé publique et la sécurité afin de réduire la consommation de drogues et ses conséquences aux Etats Unis. Lire la stratégie ou son résumé exécutif (en anglais).
http://idpc.net/fr/node/1762?utm_source=IDPC%3A+Alerte+Mensuelle&utm_campaign=5e6b83eb1b-Alerte_mensuelle_de_l_IDPC_Juillet_20117_28_2011&utm_medium=email
INDE. L’Inde renonce à la peine de mort obligatoire pour les crimes liés aux drogues
Lettre de l’IDPC, juin 2011
La justice indienne annule l’usage de la peine de mort obligatoire pour les crimes liés aux drogues
Dans une décision sans précédent, la haute cour de justice de Bombay a jugé l’utilisation de la peine de mort obligatoire pour les délits de drogues comme étant inconstitutionnelle. Lire davantage (en anglais) : http://idpc.net/fr/alerts/india-death-penalty?utm_source=IDPC%3A+Alerte+Mensuelle&utm_campaign=cc3c852843-IDPC_Alerte_mensuelle_Juin_20117_6_2011&utm_medium=email
PAYS BAS. Fumette en cercle fermé
LIBERATION 11/07/2011 À 00H00
http://www.liberation.fr/societe/01012348249-pays-bas-fumette-en-cercle-ferme
GRAND ANGLE. Transformer les fameux coffee-shop, ouverts à tous, en clubs réservés aux seuls Néerlandais dûment inscrits : c’est le projet, très contesté, de la coalition droite-extrême droite au pouvoir.
Par MICHEL HENRY Envoyé spécial à Maastricht et Amsterdam Photo MARC MELKI
Machteld Ligtvoet, qui dirige la communication de l’Office du tourisme à Amsterdam, dit n’avoir jamais touché un pétard de sa vie et trouve « pas cool » d’en fumer. Mais pour elle, le projet gouvernemental d’interdire les étrangers dans les coffee-shop sonne comme une insulte à l’esprit tolérant de sa ville : « C’est une idée épouvantable, une solution à des problèmes que nous n’avons pas. Si on les ferme aux étrangers, la demande sera toujours là. Il y aura de nouveau des dealers dans la rue. On reviendra trente ans en arrière. On n’en veut pas. » Le maire Eberhard van der Laan (gauche) a exprimé ses « sérieux doutes » sur un projet « contre-productif », supposant une préférence nationale. Dirk Korf, professeur de criminologie à l’université, imagine la réciproque : « Je viens à Paris et je n’ai pas le droit de boire un verre de vin parce que je suis étranger ? »
5 grammes par personne et par jour
Aux Pays-Bas, la vente de cannabis, bien que formellement illicite, ne donne plus lieu à des poursuites pénales depuis 1976 si elle s’effectue dans un coffee-shop agréé par les autorités qui respecte certaines conditions : pas de publicité, pas de drogues dures, pas de nuisance pour le voisinage, pas de vente aux mineurs, 5 grammes maximum par personne et par jour, stock du magasin inférieur à 500 grammes. N’importe quelle personne majeure peut donc entrer dans ces bars sans alcool pour acheter au comptoir sa « White Widow » à 9 euros le gramme, la consommer sur place ou l’emporter. Sauf que les étrangers, grands amateurs de ces lieux uniques, en seront peut-être bientôt exclus.
Le 27 mai, la coalition des libéraux-démocrates chrétiens, au pouvoir depuis octobre 2010 avec le soutien de l’extrême droite, a présenté un projet qui transformerait les coffee-shop en « clubs privés pour le marché local », via un système d’adhésion. Ils seraient réservés aux Néerlandais. Les membres, dont le nombre ne pourrait pas dépasser 1500, seraient obligatoirement résidents de la ville concernée, ce qui rejetterait de nombreux clients, hollandais ou pas, dans la rue. Le gouvernement espère ainsi que les touristes « ne viendront plus aux Pays-Bas pour acheter et consommer du cannabis ». Et ajoute : « Ils peuvent utiliser le marché illégal qui existe chez eux. »
Les Pays-Bas ont compté jusqu’à 1500 coffee-shop. Il en reste 660. Les communes peuvent les interdire : 80% environ n’en ont pas. Mais pour le gouvernement, il faut « en finir avec la politique de la porte ouverte » qui a fait des Pays-Bas un îlot de tolérance attirant les consommateurs européens.
Pour l’instant, les clients, majoritairement étrangers, de l’Easy Going, un coffee-shop de Maastricht, s’en fichent comme de leur premier pétard. L’endroit est discret et calme. C’est pourtant là que tout a débuté. En 2006, la municipalité décrète l’interdiction des coffee-shop aux étrangers, et ferme pendant trois mois l’Easy Going. Fermeture illégale, a estimé, le 29 juin, le Conseil d’Etat : cette décision ne peut pas être prise au niveau local. En revanche, si le gouvernement veut, à l’échelle nationale, interdire ses cannabistrots aux non-résidents, il peut le faire. La Cour de justice européenne a aussi donné son feu vert, le 16 décembre, à cette discrimination : si l’interdiction « constitue une restriction à la libre prestation des services consacrée par le traité instituant la Communauté économique européenne », elle est « justifiée par l’objectif visant la lutte contre le tourisme de la drogue et les nuisances qu’il draine ».
Rabatteurs agressifs
A Maastricht (120 000 habitants), la municipalité est désormais divisée sur l’attitude à adopter. Chaque année, 2,1 millions de clients viennent dans ses coffee-shop, selon une étude de leurs patrons en 2008. Et 70% des clients sont étrangers. Les retombées économiques pour la ville, hors achat de shit, sont estimées entre 100 et 140 millions d’euros par an. « Maastricht a toujours dit qu’il ne faut pas fermer les coffee-shop, explique Robert Bongers, conseiller du maire pour les drogues. Car si on ferme, la demande sera toujours là. » Et elle se dirigera vers les dealers de rue. En attendant que le gouvernement tranche, la municipalité s’est prononcée pour le déplacement, d’ici à 2013, de la moitié de ses quatorze coffee-shop vers l’extérieur de la ville. Objectif : limiter les nuisances (voitures mal garées, incivilités, etc.) en centre-ville et éloigner les « drug runners », ces rabatteurs agressifs qui attirent les « touristes de la drogue » vers le marché illégal, hors coffee-shop, où circulent des drogues plus dures (héroïne, cocaïne).
Selon Maria Essers, qui anime une association antidealers, « si le gouvernement introduit le système des cartes de membre, ces drug runners vont récupérer les clients laissés à la porte, et il y aura davantage de problèmes. » « Avant 1996, il y avait des coffee-shop partout, ajoute Manon Fokke, conseillère municipale (gauche). Puis, beaucoup ont fermé. Et maintenant, on a plus de problèmes avec les dealers. »
Ce souci n’existe que dans certaines villes frontalières du sud, proches de la Belgique, de l’Allemagne et de la France. Ironie de la situation : ce sont les politiques prohibitionnistes des autres pays européens qui torpillent le système hollandais. Le gouvernement s’en sert comme prétexte. « Toutes les idées pour réduire les coffee-shop sont bonnes », dit Co ?kun Çörüz, porte-parole des chrétiens-démocrates (minoritaires dans la coalition), qui pousse pour la « tolérance zéro » : « Le but de notre parti, ça a toujours été d’expulser le cannabis de notre société, car il est mauvais pour la santé et l’équilibre mental, surtout des jeunes. » En fait, jusqu’en 1996, les chrétiens-démocrates soutenaient ce système qui a fait ses preuves, notamment en matière de santé publique. Et, malgré la disponibilité du cannabis, on en fume bien moins qu’en FranceŠ
Pour le chercheur Martin Jelsma (1), « le parti chrétien-démocrate n’a pas décidé formellement de fermer les coffee-shop. Il tente simplement d’imposer des règles plus strictes, qui rendront l’existence du système de plus en plus compliqué. Mais il va être confronté à une résistance des municipalités. » Dans ce pays décentralisé, la lutte entre pouvoir central, désireux d’imposer ses choix, et pouvoirs locaux, qui tiennent à leur autonomie, reste indécise. Cet automne, il y aura des auditions au Parlement, puis un débat sur le projet de « clubs » interdits aux étrangers. S’il passe, les restrictions entreraient en vigueur au plus tôt en 2012. D’abord, peut-être, dans le sud. Amsterdam négocie en coulisse pour y échapper. « On espère que le maire va réussir à régler ça en douceur. Sinon, il pourrait y avoir du grabuge », dit Machteld Ligtvoet. Car l’enjeu est d’importance. « Quatre millions de personnes visitent Amsterdam chaque année. Un million vont dans un coffee-shop », explique Iris Reshef, porte-parole de la municipalité. Leur fermer la porte ? « Ils viendront toujours et ils achèteront le cannabis dans la rue, prédit Iris Reshef. Cela provoquera du deal, de l’insécurité, des nuisances. »
La ville s’irrite grandement d’une autre mesure envisagée par le gouvernement : augmenter la distance minimale entre un coffee-shop et une école. Elle est actuellement de 250 mètres (et déjà peu respectée à Amsterdam). Elle passerait à 350 mètres. A Amsterdam, 116 des 223 coffee-shop devraient fermer. Si on inclut les écoles primaires, il n’en resterait que 36. Résultat : « Cela va augmenter le marché illégal dans la rue. »
Pour les partisans des coffee-shop, comme Mario Lap, de la Fondation Drugtext, la seule question à régler, ce serait plutôt celle de la « porte de derrière », c’est-à-dire de l’approvisionnement des coffee-shop, qui reste illégal. Au Easy Going, Marc Josemans, qui emploie trente-neuf personnes, est comme un boulanger qui n’aurait pas le droit d’acheter de la farine. « J’ai une licence légale pour vendre un produit que j’achète illégalement. Ça vient d’où ? Pas du ciel. J’ai un réseau. Je suis obligé de faire du business avec des gens illégaux. » Près de 85% de ce qu’il vend est cultivé aux Pays-Bas. Une production aux mains du milieu, autre raison du courroux gouvernemental : « Avant, les planteurs étaient des babas qui portaient des chaussettes dans leurs sandales et parlaient à leurs plantes, explique Josemans, depuis vingt-huit ans dans le business. Mais beaucoup ont arrêté car la police les a harcelés. Ils n’ont pas envie d’être considérés comme des criminels. »
Légaliser la production
Pour mettre fin à l’hypocrisie, le Parlement a voté par deux fois la légalisation de la production, en 2000 et 2005. Mais le gouvernement n’a jamais osé l’appliquer, sous la pression de pays étrangers comme la France, ou de peur de se mettre en porte-à-faux avec les conventions internationales. « Mais qu’est-ce qui se passerait ? Les casques bleus ne viendraient pas envahir le pays ! », dit Tom Blickman, de TNI (2).
En 2008, les maires des trente principales villes se sont prononcés pour une expérimentation : autoriser des planteurs à produire sous licence, et voir si la filière illégale, aux mains du milieu, reculait. Mais le projet est resté lettre morte. Au printemps, Utrecht, quatrième ville du pays avec 300 000 habitants, a décidé de lancer une autre expérience en créant un club sur le modèle des « cannabis social clubs » espagnols. « Les membres feraient pousser eux-mêmes leur marijuana », explique l’adjoint au maire Victor Everhardt. Chaque résident néerlandais ayant actuellement le droit de faire pousser cinq plants, un club de cinquante membres pourrait en cultiver 250. « Ça permettrait de contrôler le niveau de THC [un des deux principes actifs du cannabis, ndlr], d’empêcher l’usage des pesticides, de cultiver bio », dit Everhardt.
Le gouvernement a immédiatement affirmé que ce serait illégal. Mais son projet de cartes de membre s’annonce aussi difficile à mettre en place. Ce fichage sera-t-il légal ? Comment sera-t-il contrôlé ? Les consommateurs n’ont pas envie de s’y plier. Selon une étude du criminologue Dirk Korf sur 1 200 usagers à Amsterdam, 83% étaient contre. S’il était institué, seuls 32% y adhéreraient. « L’étiquette de consommateur de cannabis les effraye, ils veulent rester dans la discrétion », affirme Korf.
Autre écueil : peut-on être adhérent d’un club qui s’adonne à une activité illégale ? « Les membres seront officiellement autorisés à enfreindre la loi, qui interdit toujours la détention de cannabis, constate Derrick Bergman, de VOC, groupe prolégalisation. Ce système ne passera pas. Il y aura trop d’opposition. » Mais sinon, « ce sera la fin des coffee-shop tels que nous les connaissons ». Et la ministre de la Santé, Edith Schippers (libérale), a déjà ouvert un nouveau front fin juin : le cannabis dont le taux de THC dépasse 15% pourrait être considéré comme une drogue dure, et donc interdit à la vente en coffee-shop.
(1) TNI (Transnational Institute) à Amsterdam. (2) Voir son blog http://www. undrugcontrol.info/en/weblog/
Au MEXIQUE, la plus grande plantation de marijuana de l’histoire ?
LES INROCKS – 15/07/2011 – par Arnaud Aubron
120 hectares ! Soit, pour ceux qui ne seraient pas à l’aise avec les mesures agraires : un champ carré d’environ 1,1 kilomètre de côté. C’est la superficie d’une plantation de marijuana découverte par les forces armées mexicaines dans le désert de Baja California, à quelque 300 km de la frontière des Etats-Unis
Equipé d’un système d’irrigation moderne branché sur deux puits et de cabanes pour loger environ 60 ouvriers agricoles, le champ était recouvert d’un immense tissu noir, destiné, selon l’armée, à faire croire à une plantation intensive de tomates, culture développée dans la région. Le ministre de la Défense a estimé à environ 120 tonnes la production potentielle de ce champs géant, pour un total de 160 millions de dollars à la revente.
Le champ aurait été découvert lors d’une patrouille terrestre de l’armée, qui aurait procédé à l’interpellation de 6 des 20 personnes qui se trouvaient sur place à ce moment. On ignore toujours à qui appartenait la plantation.
Comme à son habitude après ce genre d’opérations, l’armée a immédiatement présenté cette découverte comme « la plus grande plantation de l’histoire du Mexique », selon les mots du général Alfonso Duarte, commandant militaire de la région, immédiatement repris tels quels par les médias du monde entier.
Une manière de booster le moral des troupes et de prouver à l’étranger l’efficacité de la guerre à la drogue entamée il y a cinq ans par le président Calderon et qui a déjà fait près de 40 000 morts. Pour insister sur l’ampleur de cette victoire, le ministre de la Défense a cru bon d’indiquer que le précédent « record » concernait un ranch de l’Etat de Chihuahua découvert en 1984 et qui était quatre fois plus petit.
Patatras. Car l’affaire du Rancho Bufalo est bien connue des spécialistes des drogues, qui n’ont pas manqué de faire remarquer que la plantation en question était bien plus importante… D’autant plus gênant que cette affaire reste depuis 25 ans une importante pomme de discorde entre Américains et Mexicains.
En 1984, l’agent infiltré de la DEA Enrique Camarena permet aux forces armées mexicaines de mettre la main sur une plantation géante de cannabis appartenant au Cartel de Guadalajara, dans l’Etat de Chihuahua. Si les estimations varient beaucoup sur la taille exacte de cette plantation, elles vont généralement de 500 à 1000 ha ! Soit au bas mot quatre fois plus grande que celle de Baja California.
Dans une interview à Cannabis culture de 2006, l’ancien trafiquant américain Michael Hook, un des responsables de cette plantation, parle de 13 fermes allant de 200 à 500 hectares ! Et de 3000 employés y travaillant. La DEA parle à l’époque d’une saisie de 8000 tonnes (probablement très exagérée, mais plus de 60 fois la production annuelle estimée dans l’opération de cette semaine). Il faudra mobiliser 400 militaires pour brûler les plants de marijuana.
En représailles, Enrique Camarena est enlevé le 7 février 1985 puis probablement torturé et tué deux jours plus tard. Son corps sera découvert un mois plus tard dans un village du Michoacan. Le boss du Cartel de Guadalajara, Felix Gallardo, est immédiatement accusé. Il sera condamné à quarante ans de prison en 1989 pour, entre autres, ce meurtre qu’il a toujours nié.
Mais l’affaire n’en resta pas là. Parmi les nombreux témoins cités par l’accusation (d’anciens mafieux repentis et grassement rémunérés pour leurs témoignages) certains accusèrent deux ministres du gouvernement fédéral d’avoir assisté au meurtre et le président du Mexique, Miguel de la Madrid, d’en avoir été informé. Le beau-frère d’un ex-président fut également condamné à vie toujours dans le cadre de cette affaire, qui empoisonna durablement les relations entre les deux Etats.
Ironie du sort, si l’on ne sait pas encore aujourd’hui à qui appartient la plantation de Baja California, les regards se tournent vers Joaquin « El Chapo » Guzman, patron du cartel de Sinaloa, qui n’est autre qu’un ancien bras droit de Felix Gallardo.
Etonnant donc, que l’armée mexicaine ait pu « oublier » une telle affaire… Pour se raccrocher aux branches, un officiel mexicain cité par le Wall Street Journal aurait avancé que le Rancho Bufalo était divisé en 13 parcelles, dont chacune était donc plus petite que la plantation de Baja California.
Quoi qu’il en soit, 250 policiers seront chargés de brûler ce champ a annoncé le ministère mexicain de la défense. Au mois d’octobre, les autorités avaient déjà organisé non loin de là, à Tijuana, sur la frontière américaine, un gigantesque autodafé de 134 tonnes de marijuana
POLOGNE. Politique antidrogues : à l’Est, du nouveau !
RUE89 | 27/07/2011 – par Laurent Appel, journaliste à Asud (Autosupport des usagers de drogues) ; Kasia Malinowska-Sempruch, directrice du programme mondial pour la politique des drogues (fondation Open Society).
Depuis le 1er juillet, la Pologne préside l’Europe avec une réputation ultraconservatrice sur les questions de société. Pourtant ses dirigeants viennent d’assouplir la répression contre les usagers de drogues, démontrant ainsi que ce débat y est plus ouvert et moins politiquement clivé qu’en France.
Depuis dix ans, la Pologne leur a appliqué la législation la plus répressive de l’UE. Son impact social et sanitaire a été très négatif.
Sous la pression de militants de la société civile, avec 80 000 partisans sur Facebook, le soutien du principal quotidien et de nombreuses personnalités de tous horizons, le Parlement (de droite) et le Président (centre-droit) ont promulgué un amendement établissant une plus grande distinction pénale entre les usagers et les dealers. La Pologne a ainsi fait le premier pas vers une politique pragmatique fondée sur des données scientifiques et non plus sur des peurs irrationnelles.
Les réformateurs devront encore plaider pour convaincre l’opinion et les décideurs polonais de reproduire l’expérience tchèque, le système le plus réaliste à l’égard de l’usage de stupéfiants. Le pays devra aussi résister aux pressions prévisibles du duo franco-russe qui depuis le G8 de Deauville semble remplacer les Américains à la tête de la guerre à la drogue.
Du désir de liberté à la peur généralisée
Sous le communisme, la Pologne avait une des lois les plus progressistes d’Europe. Par exemple l’usager dépendant n’était pas poursuivi.
Après la chute du Mur, toutes les valeurs de l’ancien régime ont été contestées. À partir de 1997, cette vague conservatrice s’est accentuée jusqu’au passage de 2000 à 2001 de Lech Kaczynski au ministère de la Justice. Pour cette élection, puis pendant sa conquête et son exercice du pouvoir, jusqu’à aujourd’hui avec son parti populiste Droit et Justice, le pouvoir a utilisé les usagers de drogues pour faire peur aux électeurs et revendiquer une politique sécuritaire très répressive.
Dans l’ancienne version de la loi adoptée sous son ministère, la détention de stupéfiant, quel que soit la quantité et le produit, entraînait automatiquement une inculpation pénale avec une peine maximum de trois ans d’emprisonnement. La Pologne a donc longuement testé la tolérance zéro. Sans succès notable.
Pas l’impact escompté sur le trafic
La police avait fortement soutenu cette stratégie, affirmant qu’elle allait faciliter la répression du trafic. Depuis son adoption, les procédures pour détention de petites quantités ont augmenté de 1 500 % et les procédures pour trafic ont diminué de 50%.
Les fonctionnaires de police sont évalués et donc promus selon leurs résultats chiffrés. Il est bien plus rentable d’organiser la chasse aux fumeurs de joint que de démanteler des réseaux mafieux. On fait ainsi grimper le taux d’élucidation sans s’attaquer à la vraie criminalité.
En France, la Cour des comptes vient de dénoncer ce type de mystification dans son évaluation de la politique sécuritaire.
Pour une première infraction ou une dose minime, la peine prononcée est généralement assortie d’un sursis et d’un casier judiciaire criminel de cinq ans aux conséquences à long terme injustement discriminantes. Il devient très difficile de voyager, d’étudier ou d’immigrer, notamment aux Etats-Unis, ainsi que d’occuper un poste dans la fonction publique.
Une punition disproportionnée
Ce marquage constitue aussi un gros handicap pour un emploi dans le secteur privé. Abusivement appliquée à cette période décisive de l’existence, cette loi a gravement compromis l’avenir d’une partie de la jeunesse polonaise. Elle a souvent entraîné une marginalisation durable au prétexte de réprimer la possession de cannabis.
Les usagers dépendants ont été encore plus durement affectés, la fréquentation quotidienne des dealers augmente considérablement leur probabilité d’interpellation. En cas de récidive, les peines s’additionnent et deviennent automatiquement exécutoires.
Le système judiciaire polonais est très lent, pas totalement informatisé. Avec l’ancienne loi, les condamnations pour quelques doses s’accumulaient et de nombreux usagers étaient rattrapés par de longues peines alors qu’ils n’étaient plus dépendants et en voie de réinsertion. De plus, l’inscription dans un traitement comportait le risque d’être repéré et incarcéré. Cet effet très dissuasif rendait impossible le traitement efficace de l’addiction.
La dépénalisation s’invite dans le débat
Le nouvel amendement permet aux procureurs de suspendre les poursuites pénales dans trois cas :
saisie d’une petite quantité ;
première infraction ;
usager dépendant.
L’étape suivante consiste à s’assurer que cette opportunité soit massivement saisie par les tribunaux. En France par exemple, la circulaire Pelletier de 1978 fut conçue par le gouvernement dans le même esprit et jamais vraiment appliquée.
Les réformateurs plaident maintenant pour une dépénalisation systématique dans ces trois cas et pour porter les limites de la possession publique et de l’autoproduction des différentes substances jusqu’aux quantités très réalistes admises depuis plus d’un an en République tchèque. Ils s’appuient fortement sur le rapport de la Global Commission on Drug Policy qui préconise l’expérimentation de toutes les politiques de régulation légale des drogues.
Dans le débat français enfin réanimé ces derniers mois, le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur la toxicomanie, les déclarations du gouvernement et des principaux prohibitionnistes, l’argumentaire de la Mission interministérielle pour la lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) prônent un renforcement de la répression des usagers et la poursuite de la guerre à la drogue.
Ils affirment aussi que les réformes engagées dans d’autres pays, y compris les plus libéraux, vont toutes dans ce sens. C’est très contestable pour les Pays-Bas et totalement faux pour la Pologne et la République tchèque. Ces pays démontrent qu’une autre politique des drogues est possible.
PORTUGAL. Bilan de 10 ans de décriminalisation des drogues
http://www.contrepoints.org/2011/07/05/33699-bilan-de-10-ans-de-decriminalisation-des-drogues-au-Portugal Publié le 5/07/2011
Il y a dix ans ce mois-ci, le Portugal rejetait l’approche classique de la politique de lutte contre la drogue (plus de lois, des peines de prison plus rigides, plus de mobilisation policière) et allait dans le sens opposé en dépénalisant les drogues, même la cocaïne et l’héroïne.
Ceux qui font de la guerre contre la drogue une priorité prédisaient des conséquences catastrophiques à cette réforme, dont une crise majeure de la santé publique dans le pays.
Dix ans après, toujours pas de catastrophe en vue.
Comme l’a montré Glenn Greenwald dans un rapport de l’Institut Cato publié en 2009 (en vidéo ici), le Portugal se porte bien et à bien des égards il se porte mieux que d’autres pays de l’Union Européenne qui ont suivi la ligne dure de la pénalisation de l’usage de drogues.
Cette loi, votée le 1er octobre 2000, a aboli les sanctions pénales pour tous les stupéfiants – et pas seulement pour la marijuana mais aussi pour les drogues dures comme l’héroïne et la cocaïne. Cette réforme ne concerne que la consommation personnelle : le commerce de drogue demeure une infraction pénale.
Après dix ans, l’expérience portugaise montre empiriquement ce qui se passe réellement – et ce qui ne se produit pas – lorsque les sanctions pénales contre la possession de drogue sont levées.
Baisse de la consommation de drogue
L’usage des drogues dans de nombreuses catégories démographiques a diminué en termes absolus, y compris chez les 15-19 ans. Lorsque les taux d’utilisation ont augmenté, les hausses ont été modestes et beaucoup moins importantes que dans la plupart des autres pays de l’Union Européenne, qui continuent à utiliser une approche de criminalisation de l’usage des dorgues.
Le Portugal, dont les problèmes liés à la consommation de drogue étaient parmi les pires en Europe, a maintenant le plus faible taux d’utilisation de marijuana et un des plus bas de cocaïne. Les pathologies en partie liées à l’usage de drogue, y compris la transmission du VIH et de l’hépatite ont sensiblement diminué.
Absence d’appel au retour de la criminalisation de la consommation de drogue
Au-delà de ces données chiffrées, le succès de la décriminalisation est illustré par l’absence d’agitation politique en faveur d’un retour à la criminalisation. Les citoyens portugais, comparant la situation hors de contrôle des années 1990 avec la situation très grandement améliorée actuelle, n’ont pas envie d’un retour à la criminalisation et, dans ce pays à la tradition religieuse si vivace, aucun politicien influent ne préconise de le faire.
La décriminalisation est devenue politiquement tenable lorsque le Parlement portugais a convoqué une commission d’experts apolitiques chargée de déterminer comment le pays pourrait le mieux répondre à ses graves problèmes de drogue. La commission a constaté que la décriminalisation est la meilleure politique de réduction des méfaits liés aux drogues, et les événements ont maintenant démontré la sagesse de cette recommandation.
Pourquoi décriminaliser est-elle la bonne solution ?
Dire que la décriminalisation améliore les problèmes liés à l’usage de drogue peut sembler contre-intuitif.
1/ Quand un gouvernement menace de transformer en criminels les consommateurs de drogues, un mur de la peur est élevé entre responsables politiques et citoyens. Ce mur – la stigmatisation et la peur qu’il provoque – était le principal obstacle à l’efficacité des programmes d’éducation et de traitement dans les années 1990 au Portugal.
2/ Le traitement de la toxicomanie comme un problème de santé, et pas comme une infraction pénale, est plus efficace que la prison pour détourner les toxicomanes de la consommation de drogue.
3/ Quand un gouvernement n’engloutit plus des quantités excessives d’argent public dans la poursuite, l’arrestation et l’incarcération des consommateurs de drogues, cet argent public peut être utilisé dans des programmes et services de traitement efficaces (cliniques de méthadone, etc.).
Quelle que soit notre opinion sur la libéralisation des lois encadrant et criminalisant l’usage et le commerce de la drogue, il convient que ce débat soit fondé sur des preuves empiriques et non sur la spéculation et la peur.
Sources : Tim Lynch pour Cato@Liberty et Glenn Greenwald pour le Cato Institute
Lire l’article Drogues sur Wikiberal et ses liens externes
La RUSSIE défie le consensus général en déclarant une « guerre totale contre la drogue »
Lettre de l’IDPC, juin 2011
La Russie défie le consensus général en déclarant une « guerre totale contre la drogue »
Selon la législation actuellement en révision au Parlement, les usagers de drogues dépendants seraient incarcérés ou forcés à intégrer un programme de traitement, alors que les dealers se verraient condamner à de lourdes peines. Lire davantage (en anglais) : http://idpc.net/fr/alerts/russia-total-war-on-drugs?utm_source=IDPC%3A+Alerte+Mensuelle&utm_campaign=cc3c852843-IDPC_Alerte_mensuelle_Juin_20117_6_2011&utm_medium=email
RUSSIE. Les lois punitives contre les drogues dénoncées dans The Lancet
Lettre de l’IDPC, juin 2011
Un article publié dans le Lancet appelle le gouvernement russe à créer une infrastructure de traitement de la dépendance, à réformer sa politique de santé (plutôt que de recourir à l’incarcération) et à gérer le taux croissant d’infections de VIH parmi les usagers de drogues. Lire l’article (en anglais) : http://idpc.net/fr/node/1685?utm_source=IDPC%3A+Alerte+Mensuelle&utm_campaign=cc3c852843-IDPC_Alerte_mensuelle_Juin_20117_6_2011&utm_medium=email
DOPAGE
Le Tour de France ? Je boycotte !
RUE89 - Par Matthieu Stelvio | Ecologiste décroissant | 14/07/2011
Avis aux coureurs honnêtes : cet article ne vous concerne pas. Mais de fait, rien de plus facile que de décrédibiliser le Tour de France. Alberto Contador, le vainqueur des éditions 2007, 2009 et 2010, a frôlé cet hiver la suspension d’un an pour dopage auprès de la Fédération espagnole de cyclisme. Il avait été interdit de départ sur la grande boucle en 2006, et son équipe (Astana) en avait été privée en 2008. On le retrouve pourtant en course cette année.
Le vainqueur de l’édition 2006, Floyd Landis, a été déclaré positif quatre jours après sa victoire. N’allons même pas plus loin dans l’hécatombe… Rasmussen, Ullrich, Vinokourov, Basso, Riccò, affaire Puerto… Les affaires sont si nombreuses qu’on pourrait en écrire une encyclopédie.
Les petites combines des coureurs dopés
En 2010, Ettore Tori, procureur anti-dopage du Comité olympique national italien, faisait part de son désarroi : « Au plus je m’investis dans ces dossiers, au plus je me rends compte que le dopage s’étend. Et je ne pense pas que cela soit prêt de s’arrêter. »
Les autotransfusions sanguines restent indétectables, et les coureurs peuvent aisément gonfler leur hématocrite sans être pris. Et il y a aussi tout un tas de petites combines, comme l’explique l’ancien coureur Jesús Manzano : « Pour les contrôles, on a des produits, fabriqués par des labos clandestins exprès pour nous, qui détruisent les échantillons d’urine. Ça se présente sous la forme d’un grain de riz que l’on introduit dans l’urètre avant d’aller uriner. »
Par ailleurs, les organisateurs du Tour ont un comportement plus que douteux. Ainsi, en 2010, ils ont relégué au second plan l’AFLD, l’Agence française de lutte contre le dopage, pour laisser à l’Union cycliste internationale (UCI) le soin de gérer la lutte anti-dopage. Une manœuvre dénoncée Marie-George Buffet, ancienne ministre des Sports, comme le signe de « la volonté de l’UCI d’écarter l’AFLD sous la pression de certaines équipes et lobbies financiers » hostiles à l’agence française.
Le Tour, une rentable machine à fric
Si le Tour de France existe encore, c’est sans doute parce que c’est une machine à fric rentable. Diffuser devant des millions de personnes plusieurs heures par jour les images de coureurs habillés en panneaux publicitaires doit rapporter pas mal d’argent.
Tout le monde sait que le Tour de France est une gigantesque imposture, mais ça reste une distraction, un truc à regarder quand, en vacances, étouffé par la chaleur estivale de l’après-midi, un peu au frais derrière les volets, on cherche à s’occuper. Les champions sont dopés : on sait bien que tout ça, c’est du cinéma, mais, fictif ou réel, le cinéma aide à lutter contre l’ennui, alors on accepte l’imposture.
Toutefois, il serait dangereux de croire que le Tour de France soit un gentil petit mensonge qui ne fait de mal à personne. Le dopage tue.
De nombreux cyclistes accros à la coke
Outre la mort de Marco Pantani, José María Jiménez, trois fois meilleur grimpeur du Tour d’Espagne, vainqueur de quatre étapes sur la Vuelta 1998, est mort à 32 ans d’une crise cardiaque après une grave dépression, comme le rappellait en 2006 Jesús Manzano à l’Equipe : « Le dopage conduit à d’autres addictions. (…) Regardez Pantani, Vandenbroek et tous les autres (…). Ils sont nombreux les cyclistes ou anciens cyclistes accros à la coke, à l’héro ou aux autres médicaments. »
En 2009, trois ans après ce témoignage, Frank Vandenbroek mourrait d’une double embolie pulmonaire à 34 ans. En février dernier, sortant tout juste d’une suspension, Riccardo Riccò, grande vedette du peloton, était hospitalisé en urgence, suite à une transfusion sanguine qu’il venait de pratiquer.
Les petits coureurs victimes des mensonges des grands
Derrière tous ces grands champions que le dopage a tué, il y a des dizaines de milliers de petits coureurs qui ont passé leur enfance à rêver devant les exploits mensongers de leurs champions, et qui, aujourd’hui, sont victimes du système, qui doivent se charger pour rester dans la course ou pour se faire un nom. Et parmi eux, dans l’anonymat le plus total, certains succombent à un thrombus consécutif à une transfusion ou à une injection d’EPO, ou bien à un arrêt cardiaque consécutif à une prise de cocaïne ou d’amphétamine.
Et tout cela parce qu’on leur avait fait croire que les champions étaient réels, que le sport professionnel était un milieu dans lequel seule la volonté était récompensée. Puis au moment d’entrer dans la cour des grands, on leur explique que le mérite ne fait pas tout, et que s’ils veulent suivre, il faut se charger… Ainsi, Bernhard Kohl, troisième du général et meilleur grimpeur du Tour de France 2008, a avoué se doper depuis l’âge de 19 ans.
Inacceptable que l’argent public soutienne le Tour
Le Tour de France est un dangereux mensonge, une gigantesque machine publicitaire qui fait passer le business avant l’humain. Est-il tolérable que de l’argent public soit investi dans cette épreuve ? Je ne crois pas, et je suis gêné par le fait que mes impôts servent à financer le Tour. Je crois qu’il n’est pas acceptable que la télévision publique le diffuse (sur ce point, l’attitude allemande est exemplaire), que notre gendarmerie lui offre ses services, que ma ville l’accueille à bras ouverts, que nos routes soient provisoirement privatisées et réservées à des wagons de véhicules publicitaires.
Ne croyez pas que je n’aime pas le sport cycliste. Au contraire, j’en suis amoureux, et je le défends. Il n’y a pas un jour sans que j’enfourche mon vélo. Pour moi, le vélo, c’est un moyen d’évasion, de vivre en harmonie avec la nature, de partager des moments d’amitié.
Je trouve vraiment triste que la société, par le biais des médias, ait tendance à réduire le cyclisme à cette tambouille sans saveur alliant compétition, chrono, pots d’échappements, individualisme, business, sponsors, dopage, robotisation de l’humain, transfusions et mensonges…
DROGUES LEGALES
Les cigarettes bientôt sur ordonnance en Islande ?
LES INROCKS – 5/07/2011 – par Arnaud Aubron
Alors que la France ou les Etats-Unis sont en plein débat sur une dépénalisation du cannabis, l’Islande, elle, envisage de plus ou moins interdire le tabac à en croire le site du Guardian. Sa vente serait limitée aux pharmacies, pour les majeurs de plus de 20 ans et sur ordonnance uniquement ! Et les médecins devraient essayer d’encourager les fumeurs à arrêter avant d’être enfin autorisés à leur prescrire leur dose de tabac.
Autres mesures envisagées dans ce plan décennal qui sera soumis au Parlement de Reykjavik cet automne : l’interdiction de fumer dans les lieux publics et dans les voitures où se trouvent des enfants.
Parallèlement à ces mesures, le prix du tabac augmenterait de 10% par an jusqu’à l’entrée en vigueur des cigarettes sur ordonnances qui, elles, seraient proposées à un prix plus bas, a expliqué au Guardian, Thorarinn Gudnason, président de la Société islandaise de Cardiologie : « Dans notre plan, les fumeurs qui se verraient prescrire du tabac seraient diagnostiqués comme toxicomanes et nous ne pensons pas que le gouvernement doive taxer les toxicomanes. Il est aussi difficile d’arrêter la nicotine que l’héroïne, pas en termes d’effets en secondaires, mais en termes de manque et de rapidité à laquelle on tombe accro. »
Comme en Australie, où la mesure devrait entrer en vigueur à l’été prochain, le projet prévoit également la vente de cigarettes dans des paquets tous de la même couleur, exempts de tous logos, sur lesquels la marque et le nom du produit ne figureraient qu’en lettres standardisées aux côtés d’images mettant en garde pour la santé. Une mesure contre laquelle Philip Morris, producteur entre autres des Marlboro, a récemment déclaré envisager de poursuivre les autorités de Canberra.
Selon une porte-parole du ministère de la Santé islandais : « Siv Fridleifsdottir (ancien ministre de la Santé, promoteur de la loi) est un politicien très sérieux comme l’est sa proposition. Mais est-ce qu’elle sera adoptée, je n’en sais rien. J’en doute beaucoup. »
L’Islande est déjà l’un des pays où l’on fume le moins en Europe, la consommation étant passé de 30% de la population en 1991 à 15% aujourd’hui selon le ministère de la Santé.
Mais que cette proposition soit adoptée ou non, les multinationales du tabac se préparent un avenir difficile. Alors que la mesure australienne sur le packaging est étudiée de très près en Nouvelle-Zélande, au Canada et en Grande-Bretagne, où l’étalage de paquets de cigarettes chez les marchands de journaux et dans les commerces sera interdit début 2012.
Aux Etats-Unis, New York a récemment interdit la cigarette dans tous les lieux publics, y compris en extérieur, et certaines copropriétés deviennent entièrement non-fumeurs. La Bouthan a interdit en 2005 la vente de tabac, tandis que la Nouvelle-Zélande espère avoir entièrement éradiqué la consommation de tabac en 2025 et la Finlande en 2040.
Au train où vont les choses et alors que les coffee-shops néerlandais interdisent par exemple de fumer du tabac dans leur enceinte mais autorisent toujours le cannabis, on achètera peut-être un jour plus facilement des pétards que des clopes…
Tableau de bord tabac : données du mois de juin 2011
OFDT - Saint Denis, le 22 juillet 2011
Le tableau de bord tabac relatif au mois de juin 2011 est disponible en téléchargement. Par rapport à juin 2010, les ventes de tabac à rouler n’ont pas progressé et celles de cigarettes ont reculé de 2,1 %, tandis que les traitements pour l’arrêt ont augmenté de 24,6 % : des chiffres sur lesquels le lancement de la campagne anti-tabac de l’INPES le 31 mai ont probablement eu une incidence. Les appels à Tabac Info Service sont en recul de 10 % mais ceux adressés aux tabacologues continuent de progresser (+59 %). Enfin, le délai d’attente pour une consultation en tabacologie s’est accru de 50 %, atteignant 18 jours.
MEDIAS
La « Gazette du chanvre » enjoint l’état à la tolérance
LIBERATION 8/07/2011
Saluons ce nouveau confrère : la Gazette du chanvre, qui se veut bimestriel, « gratuit et légal ». Et a une cible : la prohibition du cannabis, « coûteuse et inefficace, source majeure d’insécurité », selon un article du sociologue Michel Kokoreff, qui demande : « Faut-il s’accommoder de ce modèle qui engendre la clandestinité donc les usages à risques, l’hypocrisie sociale donc la stigmatisation des plus démunis, sous prétexte que "la" drogue fait peur et que la loi rassure l’opinion ? » La Gazette du chanvre « ne peut pas changer les lois existantes, mais peut-être ouvrir des pistes de réflexions et d’actions pour l’évolution des mentalités », écrit le journal. Qui propose, dès ce premier numéro, de débattre de sujets essentiels comme : « Quelle est la différence entre le cannabis et les promesses d’un chef d’Etat ? Aucune. Les deux partent en fumée et font doucement rire… » Editée à Berlin, la Gazette est également disponible sur Internet (rbh23.com).
PEOPLE
Bientôt une fondation Amy Winehouse pour lutter contre l’addiction ?
LIBERATION - 27 juillet 2011
Le père de la chanteuse Amy Winehouse a annoncé qu’il voulait créer une fondation au nom de sa fille décédée pour aider les personnes droguées ou alcooliques à combattre leur addiction.
« Si vous n’avez pas de quoi vous payer une cure dans une clinique privée, il y a une liste d’attente de deux ans pour ceux qui ont besoin d’aide », a-t-il expliqué lors des obsèques de sa fille mardi à Londres. Elle avait « terrassé » son addiction à la drogue et « essayait vraiment de se sortir de ses problèmes d’alcoolisme », a raconté Mitch Winehouse, ex-chauffeur de taxi devenu chanteur de jazz, dans l’oraison funèbre en mémoire de sa fille dont il était très proche.
Selon son père, Amy Winehouse venait juste de terminer « sa troisième semaine d’abstinence », elle en « avait assez de boire », était « plus heureuse qu’elle ne l’avait jamais été depuis des années ».
Le président de la Commission des Affaires intérieures à la Chambre des communes, Keith Vaz, a proposé d’aider le père de la chanteuse à mettre en place cette fondation.
« Mitch Winehouse avait témoigné devant la commission lorsque celle-ci travaillait sur les problèmes de drogue en 2009 et avait insisté sur les délais pour accéder à un traitement », a rappelé le député travailliste. « Nous devons nous pencher à nouveau sur cette question pour voir si les choses se sont améliorées ».
Amy Winehouse luttait depuis plusieurs années contre des problèmes d’alcool et de drogue. Elle était sortie récemment d’une cure de désintoxication et avait tenté un retour sur scène dans le cadre d’une tournée estivale en Europe, qu’elle avait dû annuler. Elle a été retrouvée sans vie à son domicile à Londres samedi.