2012 annonce la fin du protocole de Kyoto, élaboré en 1997 - ratifié par 175 pays et en l’absence notable des Etats-Unis - qui engageait les signataire sur une réduction de 5,2% de leurs émissions de gaz à effets de serre (GES) d’ici 2012.
Copenhague doit prendre la suite de ce protocole et son but est de fixer les nouveaux objectifs à atteindre de 2013 à 2020. A ce titre, les accords pris à Copenhague se devront d’être ambitieux.
Copenhague doit aussi répondre à un enjeu majeur : réduire considérablement les émissions de GES pour que l’augmentation moyenne de la température planétaire soit inférieure à 2°C d’ici à la fin du siècle.
Ces négociations sur le climat ont débuté lundi 7 décembre et se tiendront jusqu’au 18 décembre. Ces négociations prennent officiellement le nom de 15e conférence des parties.
Après deux ans de pré-négociations, les pays riches ont mené les négociations dans l’impasse et ne sont pas à la hauteur de l’enjeu climatique et des préconisations des scientifiques.
Sauront-ils relever le défi ? On est à même d’en douter.
La France et l’Europe qui rejettent sans cesse la responsabilité de la faiblesse des mesures proposées sur la Chine et les autres pays émergents se confondent encore une fois dans le mensonge et l’exercice de communication visant à présenter cet accord comme historique.
Les pays émergent prennent eux la mesure de l’enjeu et sont tous prêts à s’engager à la hauteur de leurs responsabilités.
La Chine s’engage à diviser par deux l’intensité carbone de son économie, le Brésil lui s’engage sur 40% de réduction à l’horizon 2020 et l’Afrique du Sud quant à elle souhaite inverser la croissance de ses émissions avant 2025. L’Agence Internationale de l’Energie démontre que cela représente un quart des efforts nécessaires au niveau mondial.
Les pays du Sud ne devront pas reproduire les erreurs des pays du Nord. Pour ce faire, les pays industrialisés doivent mettre à leur disposition tous les moyens financiers et technologiques nécessaires pour qu’ils ne reproduisent pas les erreurs de notre modèle énergétique qui est totalement dépassé.
L’Europe s’est fixé un objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 20% en 2020, ou 30%, en fonction des engagements des autres pays. Ces engagements sont plus qu’insuffisants.
Les dernières évaluations scientifiques du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat composé de 3000 scientifiques et prix Nobel en 2007) démontrent qu’une réduction de 40% par rapport aux niveaux de 1990 est nécessaire pour éviter le chaos et cette réduction doit commencer avant 2015.
De plus, les engagements des pays industrialisés incluent une part importante de compensation dans les pays du Sud qui ne sont pas eux responsables de cette situation climatique résultant de dizaines d’années d’activité des pays du Nord. Ces engagements sont donc bien en dessous des annonces effectuées et du matraquage médiatique consacré.
Ce que nous voulons pour Copenhague :
Un engagement ferme et contraignant pour les pays industrialisés qui doivent baisser leurs émissions de gaz à effet de serre de 40% par rapport aux niveaux de 1990 et cela, sans compensation. Ces engagements doivent aussi être pris aux niveaux nationaux et donc sans compensation.
Un accord international qui ne serait pas ambitieux ne doit pas remettre en cause les engagements individuels des pays.
Le soutien aux pays émergents. Il doit non seulement les aider financièrement à faire face aux conséquences des changements climatiques car ce sont les pays industrialisés qui sont responsables de leur situation, mais aussi les aider à mettre en place un autre modèle de développement plaçant l’humain et l’environnement au premier plan. Ce soutien passe par une reconnaissance de la dette climatique que les pays industrialisés ont généré et évidemment, par le remboursement de cette même dette sous la forme de réductions massives d’émissions et aussi sur le plan financier.
L’arrêt total de toute déforestation des forêts primaires, siège de la biodiversité, régulatrices du climat, et formalisation de l’appartenance de ces mêmes forêts aux peuples qui les habitent depuis toujours.
Les forêts doivent êtres exclues de tous les marchés carbone. Notamment, les monocultures d’arbres comme l’eucalyptus ou le palmier doivent être exclues de toutes les négociations, car ce ne sont pas des forêts.
La fabrication de pulpe a papier notamment, ne devra plus se servir de la ressource bois, qui est une très mauvaise solution pour fabriquer cette pâte.
La culture du chanvre entre autres plantes utiles et écologiques devra être encouragée afin de remplacer les cultures les plus polluantes comme le coton, le papier et autres céréales destinées à l’alimentation animale.
Cet accord doit être juridiquement contraignant et doit à ce titre disposer de mesures de sanctions pour les pays n’atteignant pas les objectifs nécessaires.
Ce que nous ne voulons pas :
Le recours au « charbon propre », au nucléaire et aux autres énergies fossiles.
Concernant le point du nucléaire, la France doit immédiatement arrêter toutes les négociations et pressions exercées afin de faire reconnaître le nucléaire comme étant une énergie renouvelable et non polluante, ce qui constitue un mensonge éhonté. De toute façon, même en imaginant un recours au nucléaire généralisé, la démultiplication des centrales, l’impact sur les diminutions de GES serait infime. De plus, le nucléaire est extrêmement couteux et dangereux et encore une fois, les ressources en sont limitées.
Nous refusons également toutes les propositions de captage et de stockage de carbone (CSC) et autres solutions fantaisistes qui voudraient nous faire croire à une possible maîtrise artificielle du climat.
Conclusion :
Les mesures prises à Copenhague devront être contraignantes et ne pas prendre en compte les systèmes de compensation.
Le financement de ces mesures a été effectué et se chiffre à une centaine de milliards d’euros par an, soit moins de 10% du budget des armées des pays concernés. Pour la France, ce chiffre a été évalué à 4 milliards d’euros. Ce chiffre peut paraître élevé, mais le coût de ces mesures est sans commune mesure au coût de l’inaction.
Annoncer des chiffres n’est pas vraiment compliqué et n’engage à rien, mais le financement de ces mesures quant à lui est complètement ignoré des débats et aucun pays n’avance de déclaration sur ce point.
Actualités Copenhague :
Un petit espoir du côté des Etats-Unis, où l’agence de l’environnement pourrait déclarer les gaz à effet de serre nocifs, ce qui donnerait à Barack Obama un horizon un peu plus dégagé pour engager les Etats-Unis dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Rappelons que les Etats-Unis apparaissent jusqu’à maintenant comme le pire élève de la classe avec l’annonce de 17% de réductions des GES, mais par rapport aux niveaux de 2005. Cette réduction signifie donc une réduction de 0,3% par rapport aux niveaux de 1990.
Rumeur en cours, mais d’évidence : Les climato-sceptiques vont débarquer en force dans les jours à venir appuyés par les lobbies pétroliers.
Jean-Louis Borloo a pris la parole en ce lundi d’ouverture des négociations alors qu’il n’était pas prévu au programme.
L’annonce faite par le Ministre de l’écologie et du développement durable s’est voulue ambitieuse sur le montant des financements nécessaires des pays riches.
Il annonce sa volonté de création d’un fonds « Justice Climat » pour les pays les plus pauvres (600 milliards de dollars sur 10 ou 20 ans) : « Bangladesh, Laos, Cambodge, l’essentiel de l’Afrique et quelques grandes régions du monde particulièrement sinistrées ». Ce fonds serait « automatique », « prévisible », « sur fonds publics » et s’additionnerait aux 100 milliards de dollars annuels réclamés par l’ensemble des pays en développement. Montant de l’addition : 150 milliards de dollars annuels (100 milliards d’euros).
Déclaration dans la ligne des demandes du collectif Ultimatum Climatique, mais encore une fois, pas de proposition sur les moyens de financement, les annonces ne coûtent rien.
Deuxième annonce faite par Jean-Louis Borloo, l’Europe devra se caler sur des objectifs de 30% de réduction des GES à l’horizon 2020, ce qui est bien insuffisant pour limiter le réchauffement à +2°C d’ici à la fin du siècle.
Actualité par les Amis de la Terre France :
Comité de Place France Carbone : ça commence mal
Par Cyrielle Den Hartigh
Les Ministères de l’Ecologie et des Finances ont annoncé conjointement vendredi dernier la création du « Comité de Place France Carbone », sans y associer aucune ONG travaillant sur le climat ou la finance. Banquiers et industriels étaient par contre de la partie. Le Comité reconnaît les risques des marchés carbone et fera des recommandations pour les réguler. Pour les Amis de la Terre, son utilité dépendra de sa capacité à faire des recommandations extrêmement strictes afin d’éviter volatilité extrême et bulle spéculative du carbone. Les risques sont majeurs, les recommandations seront-elles à la hauteur ?
Selon le dossier de presse de M. Borloo et Mme Lagarde, « la création du Comité de Place France Carbone permettra précisément d’élargir le champ de la concertation » (1). Mais les ONG suivant les négociations climatiques ou travaillant sur les questions financières depuis des années, dont les Amis de la Terre ou le Réseau Action Climat, n’ont pas été conviées au lancement du comité.
Sébastien Godinot, coordinateur des campagnes aux Amis de la Terre, dénonce : « Les Ministères snobent les ONG lorsqu’il s’agit des marchés financiers. En outre, il est pour le moins ironique de constater que l’aspect de régulation du marché de CO2, lors du lancement du Comité, a été présenté par … le PDG de Rhodia et celui de l’AFEP, un gros industriel et un lobby privé opaque. Comment expliquer que, lors de l’installation d’un comité par deux grands Ministères à la Caisse des Dépôts, ce soient des acteurs privés qui présentent la régulation d’un marché dont ils sont les bénéficiaires ? Ça commence mal. structurellement, le Comité aura-t-il une composition équilibrée ou sera-t-il trusté par des acteurs privés promouvant encore l’auto-régulation ? »
Le Comité a pour objectif principal de formuler des recommandations sur la régulation des marchés carbone. C’est le point positif important de l’annonce ministérielle : la Ministre des Finances veut une « régulation efficace », et le dossier de presse reconnaît les risques des marchés carbone : « prises de position excessives, abus de position dominantes, asymétries d’information ».
Yann Louvel, chargé de campagne Responsabilité des acteurs financiers, analyse : « C’est un pas important que le gouvernement reconnaisse ainsi que ce marché financier est aussi risqué que les autres. Notamment, volatilité des prix et spéculation risquent de décourager l’économie réelle de réduction des émissions de CO2, voire d’entraîner une bulle puis un crash. Le dossier de presse précise que « le marché des quotas de CO2 n’apparaît pas plus volatile que ceux des matières premières ». Faut-il en conclure a contrario qu’il n’est pas moins volatile non plus ? Les marchés de matières premières étant désormais intensément spéculatifs et démesurément volatils, les marchés du carbone seront-ils aussi hasardeux, voire nuisibles pour l’économie réelle ? Ce serait jouer la planète au poker ; nous n’avons pas droit à l’erreur avec le climat ».
Les marchés de matières premières sont désormais dominés par des acteurs financiers non régulés : en 2008, les deux plus gros acteurs du marché du maïs étaient les méga-banques américaines Goldman Sachs et Morgan Stanley – nullement utilisatrices de maïs, mais spéculatrices forcenées. Les marchés carbone prennent la même direction. Selon une étude des Amis de la Terre Angleterre, sur les 20 plus gros acheteurs de crédits des projets de compensation carbone (MDP), 15 sont des acteurs financiers dont les 5 plus gros (2).
Sébastien Godinot poursuit : « L’utilité de ce Comité dépendra de ses recommandations pour réguler strictement des marchés et acteurs financiers devenus fous : sa tâche va être pour le moins ardue. Comment bloquer le risque de bulle spéculative ? Comment analyser les risques pris par les acteurs du marché lorsque ces derniers ne sont pas régulés (3) ? Comment réguler les produits dérivés du carbone, de plus en plus complexes, et qui s’apparentent aux subprimes du marché immobilier américain ? Quelle institution de régulation financière suit vraiment ces produits, et avec quels pouvoirs ? Autant de questions qui n’ont aujourd’hui pas de réponse. La taxation ne serait-elle pas une alternative beaucoup plus simple et moins risquée pour le climat ? »
Notes :
[1] Dossier de presse, Jean-Louis Borloo et Chrstine Lagarde installent le « Comité de Place France Carbone » , 4 décembre 2009. Voir http://www.developpement-durable.gouv.fr/article.php3?id_article=6432
(2) « Marchés carbone : une dangereuse obsession » : http://www.foe.co.uk/resource/reports/dangerous_obsession.pdf
(3) Une partie des marchés carbone fonctionne « de gré à gré », avec des produits financiers « exotiques » non standardisés, des montants financiers inconnus et des acteurs opaques
Contact presse : Anne-Sophie Simpère, Les Amis de la Terre, 06 86 41 53 43