Je suis révulsé par la lecture du témoignage ci-dessous que je viens de recevoir et que je m’empresse de publier ici, en espérant que d’autres le posteront ailleurs aussi, pour qu’enfin la VERITE explose... Depuis quelques jours, on nous bassine avec un projet de loi de réforme de la Garde à vue sensé mettre en conformité le droit français et européen dans la pratique de cette privation de liberté ; Ouf, que fallait-il encore attendre pour le faire ?!
Ras-le-bol d’entendre des hypocrites et des menteurs défendre un système produisant autant de graves violations des droits élémentaires, brisant psychiquement des vies sous la délicate appellation "d’interrogatoire pour l’obtention d’aveux", voire tuant des innocents -qui se souvient de Pascal Taïs- tout simplement parce que les "bavures" seraient tolérables (ou sont tolérées comme le montre l’expérience ci-dessous)... La politique du résultat n’a pas de prix pour les thuriféraires de l’ordre sécuritaire, quand dans la réalité la Police se livre aux pires actes, aux gestes immondes, à la barbarie.
Peut-on encore considérer avoir affaire avec la Police nationale ou vaut-il mieux désormais s’armer -au moins psychologiquement- pour affronter la Milice du gouverne/ment de la Nationale Sarkozie ?
En lisant la conclusion du témoignage ci-dessous, je repense à la citation préférée d’un ami : "le seul obstacle au changement, c’est la passivité" et je me dis que la passivité peut non seulement être un obstacle, mais aussi à contrario une forme de consentement ou de laisser-faire...
Jusqu’à quand supporterons-nous de subir cette situation délétère ?
Bonne lecture, et restons vigilants. No pasaran !
FARId
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Bal tragique à Lille : un policier égratigné, 53 interpellations
Écrit par Lille 43000
18-01-2011
<http://www.lille43000.com/images/stories/bal/bal.jpg>
La soirée du vendredi 14 janvier organisée au Centre Culturel Libertaire
(CCL) en soutien au journal La Brique
<http://labrique.net/agenda/article/la-fete-a-la-brique> a rassemblé
beaucoup de monde. Des habitués, des militants, mais aussi et surtout de
nombreuses personnes étrangères à ce milieu, uniquement présentes pour le
concert Hip Hop. A la fin de la soirée, la police a littéralement pris
d’assaut les lieux et interpellé brutalement les 53 personnes qui s’y
trouvaient encore. Pour plusieurs raisons, nous ne reviendrons que sur les
agissements des policiers, depuis le moment où ils nous enfermaient dans le
CCL comme des rats jusqu’à notre libération du commissariat. Voici ce que
nous avons vu de nos propres yeux et entendu de nos propres oreilles, tant
de la part de nos compagnons de cellule que des « fonctionnaires de l’Etat
», véritable police idéologique et punitive.
Entre 3 et 4 heures du matin, la police intervient aux portes du CCL. Avant
qu’elles ne soient fermées et barricadées par nos soins, un policier réussit
à décharger une grosse dose de lacrymogène poivrée à l’intérieur. Les yeux
rougissent, larmoient, les poumons s’irritent, l’air s’opacifie, mais il est
encore possible de tenir. Certaines personnes ouvrent la seule salle fermée
jusqu’à présent pour s’y réfugier et respirer. Mais cela ne dure pas, car
les policiers brisent sa vitre donnant sur la rue et gazent massivement,
dans le but d’étouffer ses occupants. La situation est intenable, et l’on se
décide à sortir.
L’ouverture des portes permet aux agents de gazer davantage ce véritable
piège qu’est devenu le CCL. Certaines personnes le sont au visage, comme
celle qui tente d’expliquer à la police qu’« on va sortir ». Une fois
dehors, nous sommes reçus à coups de matraques, bousculés, molestés, jetés
au sol. Et, progressivement, nous nous retrouvons à terre, soit sur les
trottoirs, soit sur la chaussée. Un mot de trop, un geste – comme lever la
tête pour observer la scène –, et les policiers insultent – les hommes en
particulier sont traités de « pédale », « tarlouze » – ou frappent – coups
de pieds dans les bras, les côtes. Certains sont matraqués à la tête. Un
homme a l’œil gonflé de sang. Est-ce un hasard s’il est basané ? Au moins
deux personnes sont complètement aveuglées par le gaz. Une autre,
asthmatique, s’asphyxie. Un type se retrouve à terre, la tête écrasée par le
genou d’un jeune policier très excité, celui-là même qui le menotte
brutalement en criant, mot pour mot, à ses collègues : « J’l’ai eu, c’est
bon, j’me suis vengé ! »
<http://www.lille43000.com/images/stories/bal/1.jpg>
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Plusieurs camions arrivent. Cela a manifestement tout l’air d’une rafle,
avec son lot de personnes impuissantes, apeurées, paniquées et dans une
complète incompréhension. Nous sommes menottés dans le dos à l’aide de «
serre flex » et conduits par groupes au commissariat. Dans un des camions,
un policier déclare à des « raflés » qu’ils sont interpellés parce que, ce
soir, ils n’étaient « pas sortis au bon endroit ». D’autres apprennent de la
police qu’ils ne sont que de « sales gauchistes ».
Arrivée au commico
Au commissariat, les hommes sont parqués dans une seule cellule, les femmes
dans une salle, toujours entravé-es. Nous sommes bientôt 53, et étouffons
entre ces murs. Certains ont leurs liens trop serrés, dans le dos, et
expriment leur douleur aux policiers. Ces derniers rigolent et insultent à
nouveau. Comme dans la salle où sont enfermées les femmes, la colère monte
dans la cellule des hommes. Quelques uns s’énervent, l’on crie, l’on tape
dans la porte, ce qui vaut, pour l’un d’entre eux, d’être sorti de la
cellule et tabassé au sol. Il ne se débat pas, tenu qu’il est par le « serre
flex », et encaisse les coups.
L’un après l’autre, nous passons un test d’alcoolémie. Les hommes sont
déplacés, toujours les mains dans le dos, dans une autre cellule, un peu
plus grande. Les femmes sont les premières à être fouillées, mises à nu une
par une, puis déplacées dans les geôles de garde à vue. De là où les hommes
sont parqués à présent, on peut observer les derniers interpellés arrivant
au commissariat. Parmi eux, une jeune femme perd connaissance, juste devant
la cellule. Elle s’écroule sans provoquer la moindre réaction des policiers.
Ceux-ci la laissent au sol, inconsciente, durant au moins quinze minutes.
Derrière les vitres de la cellule, les hommes protestent, en criant, tapant
dans la porte. Ce qui amuse visiblement les agents, qui rigolent entre eux,
droits dans leurs bottes autour de la gisante. Elle sera par la suite
traînée sur le sol…
Un type est très mal en point, il ne voit plus rien. On demande un médecin
mais les policiers se marrent et attendent un long moment pour le faire
examiner. Certains souhaitent que leurs liens dans le dos soient desserrés :
ils en sortent un pour… les lui resserrer. L’énervement se fait de plus en
plus sentir. Aucune notification, aucune information n’est donnée. Certes,
certaines personnes ont trop d’alcool dans le sang, mais celles dont le taux
est nul devront quand même patienter plusieurs heures – environ de 4h30 à
8h30 pour les premières – avant de savoir ce qu’elles font ici et connaître
leurs droits. Un flic au crâne rasé perd son sang froid, ouvre la cellule
des hommes et en frappe un durement au ventre. Il referme la porte. Quelques
minutes après, il réitère dans la salle des femmes en infligeant plusieurs
coups dans le tas, à l’aveugle. Ses collègues lui demandent manifestement
d’aller voir ailleurs, car il vient de commettre, devant tout le monde, une
bavure en bonne et due forme. Un autre policier explique aux hommes qu’ils
ont « de la chance de pas être en Tunisie », car « là-bas, on aurait eu des
armes ». Et à ceux qui lui demandent si c’est ce qu’il veut, utiliser son
arme, il répond très sereinement « oui ». Pour justifier leurs agissements,
les agents n’ont qu’un mot à la bouche : une « trentaine » de personnes
parmi nous ont tabassé un des leurs qui est actuellement dans le coma… Nous
apprendrons plus tard la vérité : ce n’est qu’un grossier mensonge.
Pour les hommes, les mains dans le dos, l’attente dans cette cellule trop
petite est très longue. C’est un peu avant 8 heures que le premier d’entre
eux est fouillé, libéré du « serre flex », présenté au médecin puis placé en
geôle de garde à vue. Les derniers y seront déplacés en milieu de matinée.
Pendant une fouille, des policiers menacent et traitent plusieurs fois un
interpellé dénudé de « connard ». Lors d’une autre, ils arrachent sans
ménagement l’écarteur d’oreille d’un homme, qui arrive dans sa cellule avec
un lobe ensanglanté. On lui donne quelques feuilles de papier toilette.
Seize femmes sont placées dans une cellule immonde qui ne peut, humainement,
même pas en contenir dix. Dans une autre, plus grande, où quinze hommes sont
enfermés, le sol, à plusieurs endroits, est recouvert d’urine, l’air
empuanti. Heureusement que le médecin du commissariat conseille à plusieurs
d’entre nous d’arrêter de fumer, car c’est mauvais pour la santé…
Dans l’attente d’une libération
Nous sommes dans les sous-sols de la forteresse policière lilloise
construite il y a trois ans aux portes de Lille Sud
<http://labrique.net/numeros/numero-01-mars-avril-2007/article/hyper-commissariat-de-lille-sud> . Durant les révoltes de 2005, c’est dans ce quartier
que les voitures avaient brûlé. La mesure de cette opération explique
peut-être pour la première fois de façon concrète la démesure de
l’architecture du bâtiment. Car dans l’ancien commissariat, il aurait été
difficile de placer autant de monde en garde à vue simultanément…
S’agissait-il d’« anticiper » les éventuelles révoltes des quartiers pauvres
de Lille ?
Tout est vitré, les lumières sont blafardes, les murs de béton, froids et
épais, les moindres bruits se propagent en échos qui, à la longue,
deviennent insupportables. Il ne se passe d’ailleurs pas dix minutes sans
qu’un prisonnier cogne les vitres, ou crie, qu’une porte soit ouverte puis
fermée par trois verrous. Il fait chaud mais la fatigue refroidit le corps.
Ici, on perd vite la notion de l’espace et du temps. Beaucoup craignent une
prolongation de vingt-quatre heures, le cauchemar s’éternise.
Entre le milieu de matinée et 20 heures, c’est une longue attente où il faut
crier, frapper dans les fenêtres et les portes des cellules pour ne
serait-ce qu’avoir accès aux toilettes. En guise de repas, vers 10h30, un
des policiers dépose une brique de jus de pomme et deux biscuits secs. Quand
on leur demandera plus tard à manger, ce qui est un droit des plus
élémentaires, ceux-ci hausseront les épaules et diront que les réserves de
repas sont vides.
Les femmes, toujours à seize dans leur cellule exiguë, doivent subir les
regards pervers et rigolards des policiers. On ne leur donne pas de biscuits
avant plusieurs heures. Et quand elles demandent, à maintes reprises, de
pouvoir accéder aux toilettes, on les ignore. Elles réclament alors du
papier toilette, et un jeune agent tout juste pubère répond, en cherchant du
regard la complicité de son collègue : « Vous avez un petit problème, c’est
ça ? C’est pas de chance. » Il continue de rigoler, tourne le dos. Vers 14
heures, les femmes se mettent à crier : elles ont chaud, suffoquent, l’une
d’entre elles fait un malaise. Il faudra attendre cinq bonnes minutes avant
qu’un des geôliers présents daigne jeter un œil, puis encore cinq longues
minutes avant qu’une partie d’entre elles ne soit placée dans une autre
cellule.
Au moment de la notification de garde à vue, une policière demande à un
interpellé s’il veut voir un médecin. L’homme hésite, ce qui la pousse à
argumenter : « Dans tous les cas, si vous voulez sortir vite d’ici, il vaut
mieux ne pas faire traîner ces histoires... » Message passé. Les
notifications tardent à venir pour certains interpellés, les dernières
d’entre elles arriveront aux alentours de 16 heures, avec pour heure
officielle du début de la garde à vue 4h30… D’ailleurs certaines personnes
refusent de les signer, choquées d’apprendre à leur lecture qu’elles sont
gardées à vue pour « violence collective à agents des forces de police ».
Environ la moitié des 53 interpellés demandent à consulter une avocate
commise d’office. Rares sont ceux qui la verront avant leur interrogatoire.
Viennent les auditions, très lentement. Au cours de l’une d’elles, un
officier de la police judiciaire (OPJ) demande à un interpellé s’il connaît
un certain « cochon ». Réponse négative, qui déçoit l’OPJ : pour le reste de
l’interrogatoire, faisant preuve d’un humour très fin, il ne cessera de
l’appeler « Monsieur Cochon ». Durant cette même audition, un autre policier
entre dans la salle, regarde l’homme interrogé, et lui dit en posant son
front juste au-dessus de lui : « Vous aussi, vous ne savez rien et vous
n’avez rien vu ! Il n’empêche qu’on a un collègue sur le carreau et qu’on
sera sans pitié ». Mais quand il le raccompagne dans sa cellule, l’OPJ,
d’humeur plus bavarde, dit au gardé à vue que le collègue en question est
sorti de l’hôpital, qu’en fait il n’a pas grand chose et que cette histoire
fait beaucoup de bruit pour rien…
Vers 16 heures, les premiers signes de libération possible apparaissent :
les policiers s’agitent pour aller au plus pressé. Des renforts viennent de
tous les services de la métropole lilloise, on y rencontre par exemple des
officiers de la brigade des mineurs. Les auditions s’enchaînent de plus en
plus vite. Durant l’une d’elles, un OPJ souffle à un interpellé qu’il en
veut au procureur d’avoir ordonné le placement en garde à vue de tout le
monde, il ne comprend pas tout ce raffut, il est d’astreinte, il « faut
faire vite ». Dans sa déposition, l’interpellé lui signifie que l’assaut du
CCL s’est opéré dans un climat de violence gratuite. Il relit la première
version, mais aucune mention de la violence. Il exige alors la correction et
l’OPJ réimprime le papier. Globalement, les auditions sont bâclées,
certaines ne sont pas signées ce qui dérange nécessairement les officiers.
Cela ressemble tellement à une mascarade qu’ils omettront même d’auditionner
un type qui, après avoir consulté l’avocate commise d’office, était pourtant
prêt à être écouté. Mascarade ? Pas vraiment, si l’on en croit les dires
d’un officier qui se confie à une personne en audition : le commissaire
aurait voulu marquer le coup, parce que le CCL constitue un milieu d’extrême
gauche.
Les premières empreintes sont prises vers 18h30. Un gardé à vue constate
qu’un agent s’amuse tout en rire gras avec son collègue, à battre le record
de fichage en une journée : ils en sont à 33 et approchent apparemment du
chiffre record, ce qui a l’air de les exciter. Une personne demande pourquoi
elle est fichée… « parce que c’est la loi », qu’elle est interpellée et que
même sans être inculpée ou déférée, elle sera fichée. Le policier ajoute,
sourire aux lèvres, que ce fichage sera effectif « pendant vingt-cinq ans ».
Il aura au moins retenu ça de ses cours à l’école de police… Mais ils
n’auront pas l’occasion de battre le record, les derniers interpellés ne
seront pas fichés. Faute de temps ? Service terminé ?
Quand nous sortons vers 20 heures, l’air libre a un goût particulièrement
bon. Quelques soutiens sont devant le commissariat. On se restaure un peu,
prend des nouvelles. Il reste encore du monde dans le central – trois
personnes. Un compagnon de cellule a été reconnu par le flic soi-disant
blessé comme celui qui l’aurait « alpagué par le col ». Il risque cher, mais
il aura pour lui le témoignage et le soutien de cinquante personnes qui ont
vu en face la réalité de la violence policière. Inique, gratuite et sans
discernement. Si ce n’est pour harceler ses ennemis, et leurs amis.
Jack et B2B
NB : nous ne rapportons évidemment pas tout ce qu’ont pu vivre les 53
interpellés, car nous ignorons encore beaucoup de choses. Signalons que les
exactions dont nous témoignons ici ne concernent pas tous les policiers
rencontrés pendant ce cauchemar. Il nous semble toutefois qu’une majorité
d’entre eux a agi de la sorte. Pour les autres, nous parlerons de passivité,
l’effroyable passivité qui a déjà fait tant de mal par le passé.
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