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Sept ans d’attente pour un suivi médical : la détresse des drogués d’Athènes

A Athènes, près de la place Omonia, les toxicomanes déambulent parmi les passants depuis 20 ans. Mais avec la crise, "les problèmes augmentent", s’inquiète Philippos Dragoumis, président du centre de prévention municipal qui doit composer avec des budgets publics en berne.

"Il y a plus d’usagers dans la rue et plus de trafic de drogue", observe ce spécialiste des questions de toxicomanie dans la capitale grecque.

Il estime à près de 500 le nombre d’usagers sans domicile à Athènes et "entre 2.000 et 4.000" le nombre de ceux qui vivent entre la rue et les hébergements spécialisés.

La Grèce, porte d’entrée de l’immigration illégale en Europe, est un lieu de transit pour les opiacés du Moyen-Orient.

L’Observatoire national des drogues dénombre dans le pays 628 usagers de drogues supplémentaires chaque année en moyenne depuis 2002, majoritairement des héroïnomanes, au nombre de 22.515 en 2010.

Pour les prendre en charge, les structures thérapeutiques manquent cruellement. Alexis, un journaliste de 46 ans, est suivi depuis 2006 dans l’un des centres de substitution géré par un organisme dépendant du ministère de la santé, Okana. Mais il a dû patienter quatre ans avant d’y être admis et s’estime chanceux : "la plupart de ceux qui demandent à intégrer ces programmes sont morts quand l’Okana finit par les appeler !".

Pour accéder aux traitements de substitution, il fallait, en août 2011, attendre en moyenne sept ans.

Les réductions tous azimuts du budget grec n’épargnent pas le système d’aide aux toxicomanes (prévention, aide, prise en charge hospitalière). En 2011, l’Okana, qui avait tablé sur un budget de 46 millions d’euros, en a reçu 29. Depuis septembre, certaines structures ont fermé même si de nouvelles unités de toxicologie ont été créées dans les hôpitaux.

Selon Emilios Katsoulakos, psychiatre dans un dispensaire du quartier d’Omonia, au centre d’Athènes : "on n’emploie pas plus de personnels, alors que la demande de soins augmente".

Après la parution d’une étude du journal médical britannique Lancet faisant état d’une augmentation de 52% des cas de sida en Grèce entre 2010 et 2011, les professionnels se concentrent sur la prévention en organisant des distributions de seringues.

Mais d’autres phénomènes les laissent totalement démunis : la "sisa", une nouvelle drogue peu coûteuse apparue en 2010, selon l’Observatoire national des drogues, a des effets ravageurs.

Le Dr. Katsoulakos a examiné des "accro" à la "sisa", "la peau noircie, des plaies sur la tête et le corps, un comportement de fou, avec des excès de violence (...) Une consommatrice a même poignardé une de mes patientes". "Contre ces drogues, on n’a pas de produits de substitution. Même dans nos tests toxicologiques, elles n’apparaissent pas", ajoute-t-il.

Ce produit euphorique à base de métamphétamine, vendu 3 euros la dose - soit dix fois moins Cher qu’un gramme d’héroïne d’après Alexis - s’apparente au destructeur Crystal meth américain ou au "paco" argentin, "la drogue des pauvres".

Alexis dit avoir aperçu "des Afghans et des Somaliens" vendre de la "sisa", mais pour lui ces petits vendeurs sont sous la coupe de gros dealers. "Avec la crise, les mafias de la drogue recrutent plus facilement", observe Philippos Dragoumis.

Avec le centre de prévention municipal, il travaille à l’ouverture de 3 à 4 centres de jour "comme à Berlin ou à Genève" afin d’assurer un suivi médical des usagers et de les soustraire de la rue. "Les bâtiments ont été trouvés", mais pas encore le financement.

En attendant, les héroïnomanes athéniens se concentrent dans des "piazzas", lieux changeants de vente et de consommation en plein air. Constantinos, commerçant dans le centre depuis quarante ans, regrette que "les structures pour personnes dépendantes aient été rassemblées à un même endroit". "Les forces de l’ordre ne font que chasser leurs regroupements d’une rue à l’autre, dit-il. On a formé des ghettos".

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