Des boutiques qui vendent du chanvre ont fleuri en France ces derniers mois. Parti de Besançon, à quelques encablures de la frontière suisse, ce phénomène qui a rendu accessible un cannabis dénué d’effet psychotrope a bientôt atteint tout le pays.
Ces établissements ont suscité un grand intérêt du public et l’inquiétude des autorités. Parmi nous, ce mouvement a provoqué des réactions diverses. Certains avaient le sentiment que ces jeunes entrepreneurs ne cherchaient qu’à faire un « pognon de dingue ». D’autres ont été amusés de constater le caractère imprévisible de cette ouverture qui s’est imposée dans un pays où le débat est verrouillé.
Les pouvoirs publics semblent aujourd’hui convaincus qu’il ne faut pas reculer d’un iota sur la question du cannabis sauf à voir s’effondrer cette exception française. Ainsi, la Mission Interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) a cru bon de rendre public un point sur la législation.
D’après ce texte, « la présence de THC [la molécule psychoactive, ndlr] dans les produits finis, quelque soit son taux, est interdite ». Or, tous les produits issus du chanvre présentent des traces de cette molécule. Il n’y a pas une huile, un baume ou un cookie réalisé à base de chanvre qui n’en contienne. En clair, toutes les boutiques auraient vocation à fermer.
Depuis, les mises en garde des autorités se multiplient. Les fermetures et les gardes à vue se succèdent, principalement à Paris. D’investisseurs chevronnés, les nouveaux entrepreneurs deviennent au rythme des perquisitions les innocentes victimes d’une législation absurde et d’une réaction disproportionnée de l’Etat.
Alors qu’un large débat devrait s’ouvrir sur de nouvelles régulations du cannabis, les autorités, en confondant une « super camomille » avec un stupéfiant, s’éloignent de toute solution raisonnable. Le droit d’exception pour lutter contre le trafic de stupéfiants est détourné de sa finalité.
Aujourd’hui, le téléphone n’est plus en bakélite, les voitures commencent à être électriques mais ce qui ne change pas c’est un débat coulé dans le bronze des années 70, celui des drogues.
Et avec tout le paradoxe que suppose l’action de l’Etat, les autorités font aujourd’hui le choix de réprimer un marché tempéré et innovant, porteur de réduction des risques, comme pour le vapotage, alors que dans le même temps, elles concèdent de manière paradoxale un plan de prévention dérisoire sur l’alcool.
À l’heure où le gouvernement appelle de ses vœux à une clarification, nous demandons un moratoire le temps d’établir une règle de droit claire et adaptée. Ce secteur économique est prometteur, n’insultons pas l’avenir.
Voir en ligne : La Tribune publié par Vice