Fabien Roussel, démagogue ou idiot utile des droitardés ? Propositions de gauche pour sortir de l’hypocrisie avec une politique “drogues” juste et efficace.
Chaque matin depuis une vingtaine d’année, je suis un fidèle auditeur de la matinale de France Inter, bien que dernièrement la publicité et la droitisation de l’antenne me font parfois zapper sur la matinale de France Culture. Aussi, régulièrement j’appelle le standard de la Radio pour tenter d’être sélectionné dans l’Interactiv’ et poser une question à l’invité.
Une question qui est simple : “Soutenez-vous l’idée qu’il faut légaliser le cannabis pour améliorer la santé et la sûreté publiques, diminuer les dépenses de Police et de Justice, tout en améliorant le budget de l’Etat avec de nouvelles recettes (en prenant une accise sur les ventes de cannabis) ?”
Lundi 16 septembre 2024, j’ai préféré entendre l’intervention de Fabien Roussel au lendemain de la Fête de l’Humanité. Bien mal m’en a pris, car j’ai encore les oreilles en sang et les tripes nouées par ses déclarations de pompier-pyromane, notamment au sujet des problématiques engendrées par la lutte contre le trafic de drogues en France.
Or il n’a pas changé depuis la campagne présidentielle en 2022, quand il défendait de manière assez confuse une approche prohibitionniste. On aurait pu espérer qu’à la faveur des élections européennes, puis de sa défaite aux élections législatives, il aurait mieux travaillé le sujet pour être en mesure de trouver une voie de gauche cohérente dans ses principes et dans ses propositions avec la volonté de changer la vie quotidienne de la population aux prises avec l’application de la loi du 31 décembre 1970 dont on a vu les limites tant sur le plan de la santé que de la sûreté publiques.
Que nenni ! Sur ce sujet, comme sur d’autres aspects connexes à la problématique des drogues comme la lutte contre le trafic d’êtres humains, Fabien Roussel est l’idiot utile de l’extrême-droite, il suffit d’écouter ses propos ou de lire le verbatim ci-dessous pour s’en convaincre.
Autant le dire, il n’est pas possible de construire une politique générale cohérente, de gauche et écologiste avec de telles propositions que même la droite libérale n’oserait faire car elles sont identiques à celles de l’extrême-droite.
Rappels utiles
Dans ce reportage du journal télévisé d’Antenne 2 (aujourd’hui France 2), les images sont datées, cependant on voit bien à quel point rien n’a changé dans le logiciel des communistes !
Déjà, en 1981, le maire communiste Robert Hue lançait à la vindicte populaire une chasse aux “trafiquants de drogues” dans sa ville de Montigny-les-Cormeilles sur la base de la dénonciation d’un ouvrier marocain père de huit enfants, une initiative que la Ligue des Droits de l’Homme condamnait avec force. A l’époque, le commissaire de police émettait des doutes sur la véracité des faits, tout en reconnaissant : “comme à peu près partout en France, quelques jeunes gens fument de temps à autre et nous nous en occupons. Il est certain que la Police est particulièrement sensible à ce genre de phénomène et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir, en concertation avec les autres structures, pour éviter que ce genre de phénomène ne se propage”.
Déjà sur les banderoles pour contester l’action du Maire communiste on pouvait lire “Halte au pogrom” ! Rien n’a changé depuis, sauf en pire comme en atteste cette affaire de 2017, ou de celle-ci en 2023 ! Pire, au printemps 2024, la ville de Montigny-les-Cormeilles a lancé une campagne de sensibilisation, aussi débile que les arguments de l’église de scientologie diffusant son slogan “Non à la drogue, Oui à la vie”.
Roussel en verbatim (pour écouter son intervention de 4’30” à 5’41” puis en réponse à une auditrice de 18’39” à 19’57”)
“Mais il y a aussi les questions de sécurité, parce que les services publics, c’est aussi ça. Il y a eu hier la marche blanche pour dénoncer le meurtre de sang froid de cet agent municipal, Lilian Dejean, qui nous a heurté. J’en ai parlé aussi à la Fête de l’Humanité, parce que le Parti Communiste Français prend ça à bras le corps. Quelques jours avant ce meurtre de sang froid, j’avais réuni place du Colonel Fabien les élus de Vénissieux, d’Echirolles, de Noisy le Sec, de Nîmes, de Marseille, (ndlr : des villes) frappées par des meurtres à cause de ces trafics, du trafic d’armes des narco-trafiquants. C’est un véritable fléau et il faut prendre ça à bras le corps et y mettre des mesures fortes. Cela devrait transcender toutes les forces politiques. Et donc concrètement à Michel Barnier, je vais lui demander, lui qui parle à tour de bras “attention à la dette, il faut réduire la dépense publique”, mais c’est tout l’inverse qu’il faut faire. Il faut investir. Investir dans des moyens pour garantir la tranquillité publique, par exemple : Je lui demanderai de mettre fin à la purge qui a lieu dans la protection judiciaire de la Jeunesse, 500 emplois menacés à la PJJ et il nous faut un parquet national dédié à la lutte contre les narcotrafiquants”.
Puis à la question d’une auditrice, Dominique de Vénissieux dans la banlieue lyonnaise (17’30” à 18’36”) : “Bonjour Fabien Roussel, que j’aime beaucoup et que j’admire beaucoup. J’ai une question sur la sécurité. J’habite Vénissieux dans le Rhône, une ville de près de 70 000 habitants, j’habite dans le centre. Tous les soirs, je vois les dealers arriver, traverser - devant chez moi, j’habite une petite rue- à toute berzingue avec de gros bolides pour ravitailler en drogues la ZUP, tous les soirs je vois des clochards pisser sur le monument aux morts, se rassembler au monument aux morts, passer la nuit dehors parce que dans les autres villes on les refuse, alors qu’à Vénissieux on aura bientôt en plein centre-ville de Vénissieux derrière la mairie, un rassemblement de personnes SDF, que je ne critique pas parce que je sais qu’ils sont victimes de cette société, mais je voudrai savoir ce qu’un maire communiste peut faire puisque Vénissieux est une ville communiste. Quels sont les moyens d’un maire pour pouvoir éradiquer ce genre de choses ?”.
Réponse de Fabien Roussel (de 18’39” à 19’57”) : “J’ai rencontré Michèle Picard, la maire de Vénissieux comme la maire d’Echirolles Amandine Demore, et d’autres qui dans leur ville ont des points de deal qui concentrent les trafics, les trafiquants, et qui créent énormément de violences, les balles perdues, les blessés etc… Derrière il y a le blanchiment de l’argent, etc… Mais ce qu’ils me disent, ils ont investi dans une police municipale, armée - les maires communistes- de la vidéo surveillance et pour autant les commissariats sont déshabillés, les moyens en police judiciaire sont faibles et ils ne sont pas assez suffisants en tout cas, les opérations “place nette” du Président de la République et de Darmanin sont bien, mais elles ne durent que quelques heures, il en faut tout le temps et de manière perpétuelle. Et donc tant que l’on n’aura pas mis les moyens suffisants en matière de police de proximité, d’enquête, d’écoute, de brigade financière pour lutter contre le blanchiment de l’argent, tant que l’on ne les tapera pas au cœur de leur porte-monnaie, ils seront toujours là. Plus du contrôle aux frontières, pour empêcher la drogue de rentrer, donc la reprise du contrôle de nos frontières pour mieux les contrôler, c’est essentiel aussi, c’est ce que nous demandent les maires communistes. C’est qu’il y ait une politique nationale, d’Etat, suffisamment forte pour pouvoir accompagner les maires qui localement sont bien démunis”.
Pourquoi Roussel est à côté de la plaque ?
Dans ses réponses, la seule proposition digne et responsable concerne la PJJ et il vaut mieux le souligner car il y a urgence à sauver cette petite bulle de l’ordre judiciaire, bien plus efficace que la prison pour les mineurs. La PJJ qui depuis de trop nombreuses années n’a plus les moyens humains et financiers pour fonctionner à la hauteur des enjeux. De même, toutes les associations de quartiers constatent que l’absence de travailleurs sociaux, d’éducateurs de rue, d’agents de prévention et de médiation est une des raisons principales de la dégradation de la vie dans les quartiers paupérisés.
En revanche, la proposition d’un parquet national dédié à la lutte contre les narcotrafiquants est une fausse bonne idée. Car, pour les spécialistes de la lutte contre les organisations criminelles et mafieuses, il faut du temps de police judiciaire en amont afin de monter des enquêtes en béton pour éviter l’écueil d’un vice de procédure, comme le démontre cette récente affaire.
Aux Etats Unis, berceau de la politique de tolérance zéro, les “Drug courts” qui font florès depuis 1989 n’ont pas plus d’impact pour réduire la criminalité et le nombre de morts causés dans les règlements de compte entre bandes. Certes, ces “drug courts” visent à juger les délinquants qui font usage de stupéfiants, en les distinguant des trafiquants qui commettent des violences sur autrui. Tout au moins, cela réduit le taux de récidive et peut dans certains cas faciliter la réinsertion des jeunes, mais surtout cela permet de réduire le taux d’incarcération (les USA demeurent le premier pays au monde avec le plus haut taux d’incarcération).
Fabien Roussel est un démagogue, qui dans ses arguments ne vaut pas mieux qu’un droitard réactionnaire du RN, de LR, totalement “macrompatible”. Dans les solutions qu’il préconisait ce matin sur l’antenne de France Inter, il n’y a rien de plausible pour démontrer que la gauche apporte des solutions aux problèmes liés aux trafics de stupéfiants. Avec ce type de déclarations, sur un sujet aussi complexe, on voit que le PCF par l’intermédiaire de son secrétaire général porte une vision et des propositions qui ne sont pas différentes de ce que Darmanin, Macron, ou Le Pen assènent. A moins d’un aggiornamento, le PCF demeure une force politique qui favorise le statu quo prohibitionniste propre à renforcer les organisations criminelles.
Quelles propositions pour un gouvernement du Nouveau Front Populaire ?
D’une manière générale, le NFP devrait défendre une approche pragmatique, novatrice et courageuse pour changer de logiciel après plusieurs décennies de “guerre à la drogue” et de “tolérance zéro”. La proposition générale du NFP pourrait se résumer ainsi : Réglémenter ou légaliser l’usage de stupéfiants, selon des modalités différenciées pour chaque famille de produits, en fonction de la toxicité scientifiquement reconnue des substances.
Comme le proposait Mitterrand dans sa lettre aux Français en 1981, en s’appuyant sur les conclusions du rapport Pelletier (1978), il faut dépénaliser l’usage des drogues, à l’instar de la politique mise en place au Portugal depuis 2001 une politique novatrice qui sert d’exemple.
Comme aux Pays Bas depuis 1976, il faut séparer les marchés des drogues illicites, en tolérant la culture domestique de plantes de cannabis à des fins personnelles pour limiter le recours au marché noir par les consommateurs, voire comme en Espagne faciliter l’implantation de Cannabis Social Clubs.
Comme au Canada et plus récemment en Allemagne, il faut définir un cadre légal général visant à réduire les ressources des organisations criminelles qui tirent profit du trafic. La légalisation du cannabis permet de mieux encadrer la production, la distribution et la consommation en fixant des limites admissibles pour la population, avec des mesures bien plus efficaces en terme de prévention pour diminuer l’attrait pour les mineurs, pour garantir la qualité et les prix des produits pour les personnes qui consomment du cannabis.
Comme le suggère l’actuel Président de la Colombie, il devient urgent d’organiser un commerce légal des psycho-stimulants, tels que la cocaïne, la MdMA et d’autres amphétamines dans des officines spécialisées pour une délivrance de ces produits sous un contrôle strict.
Face aux défis des Nouveaux Produits de Synthèse (des substances qui miment les effets), il est indispensable de concevoir que le recours aux produits “naturels” sera plus avantageux que l’utilisation de nouvelles molécules pour lesquelles nous n’avons pas assez de recul pour mesurer leur impact sur la santé humaine.
FARID GHEHIOUECHE
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