Le dispositif juridique concernant les fumeurs de cannabis n’avait pas été revu depuis près de 50 ans et le vote de la loi relative à la répression du trafic et de l’usage illicite des substances vénéneuses, le 31 décembre 1970.
Un texte qui prévoyait une peine allant jusqu’à un an de prison et 3750 euros d’amende, pour les usagers de drogue, qu’il s’agisse de cannabis, de cocaïne ou d’héroïne.
Une indifférenciation pénale qui, outre son inefficacité notoire en matière de lutte contre la consommation, a eu pour effet d’encombrer les services de police et de justice, saturés de cas d’interpellations pour simple usage : 160 000 en 2016 selon l’observatoire des drogues et des toxicomanies, soit trois fois plus qu’en 1995.
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a lui-même acté l’inefficacité du dispositif de répression français. Ainsi, dans une récente interview, le ministre a rappelé que la France avait l’arsenal répressif le plus dur d’Europe, mais aussi, la consommation de cannabis la plus élevée. Il a ainsi estimé qu’il était nécessaire de prendre la mesure de cet échec français en matière de lutte contre la consommation de drogues et de cannabis en particulier.
Il s’est donc prononcé pour un maintien de la pénalisation et pour la mise en oeuvre d’amendes forfaitaires et systématiques pour les usagers de cannabis.
Le problème, c’est qu’il semble y avoir un gouffre entre les objectifs de lutte contre la consommation et les trafics, affichés par le gouvernement et la politique effectivement mise oeuvre. En effet, si le gouvernement acte la nécessité de revoir un appareil répressif inefficace, rien n’est prévu pour la prévention ou l’accompagnement des consommateurs.
Le passage à l’amende forfaitaire aurait donc pour seul objectif de libérer du temps pour la police et la justice. De l’aveu même des syndicats de police et de magistrats, cette mesure relèverait en réalité d’une simple logique de « gestion des flux » et du temps. Si l’on peut se féliciter du fait que les policiers et les magistrats passeront désormais moins de temps sur ce type d’affaire, il faut néanmoins relever que cela ne signifie en aucun cas une baisse du nombre de contrôles, dont on a vu qu’ils n’avaient que peu à voir avec la lutte contre la drogue.
En réalité, certains chercheurs s’inquiètent des dérives possibles d’un tel dispositif. Car en se passant de la sanction, individuelle et contextuelle, prononcée par un magistrat, le risque pour la société est de renforcer encore le caractère inégalitaire de la répression.
Comme le rappelle un article de Mediapart, et comme nous avons pu l’entendre au cours de cette émission, les interpellations et contrôles relatifs à la drogue sont en effet loin de toucher également tous les publics.
Des inégalités de traitement en matière d’âge, de genre ou encore d’origine ethnique et sociale. Les hommes représentent ainsi 94% des interpellés, alors qu’ils ne sont que 66% des consommateurs. De la même manière, cette amende risque de concerner avant tout ceux qui fument à l’extérieur et qui se font le plus facilement appréhender, à savoir les lycéens, les étudiants et les jeunes de quartiers populaires.
Il faut dire qu’au-delà de 30 ans et dans les milieux les plus favorisés, la fumette a tendance à se retrancher, à quitter les bancs publics et les abris de bus, pour retrouver l’alcôve, le canapé feutré, au sein du domicile. Bien loin des zones d’intervention de la police donc.
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