Interview de Michel Sitbon répondant aux questions de Côme Delanery pour le site NewsYoung.fr, à propos de l’objectif de présenter 5 listes "Cannabis Sans Frontières - Stop la prohibition" pour les élections européennes.
- Nota Bene 1 : Parité oblige, pour valider une liste, il faut autant de candidats que de candidates. Malheureusement, pour le moment pour 5 candidatures "homme", une seule "femme"... Motivées, motivées, il faut se motiver. - Nota Bene 2 : pour présenter sa candidature, il suffit simplement de suivre le Mode d’emploi : http://cannabissansfrontieres.org/pour-des-listes-cannabis-sans,912.html |
Cannabis Sans Frontières présentera 5 listes aux élections européennes
Aux élections européennes de 2009, le mouvement Cannabis Sans Frontières présente une liste dans la région Ile-de-France et obtient 4000 voix, soit 0,14% des suffrages. 5 ans après, Michel Sitbon, Président d’honneur et porte-parole du mouvement, évoque aujourd’hui un véritable basculement des consciences, et annonce la présence d’au moins 5 listes du mouvement en mai.
Qu’est ce que Cannabis Sans Frontières ? Est-ce un parti politique ?
Oui, on peut dire que Cannabis sans frontières est un parti politique au sens où nous l’avons créé justement pour ça, pour présenter des candidats aux élections, tel un parti politique. On peut même dire que c’est sa spécificité relativement aux autres organisations qui visent la réforme des lois sur les stupéfiants.
Concernant le cannabis, que désirez vous concrètement mettre en place ?
A la base, ce que nous proposons, c’est un changement d’optique. Les lois existantes sont mauvaises, elles en ont suffisamment fait la preuve. Elles sont mauvaises parce qu’elles sont absurdement répressives, et s’il doit y avoir changement c’est pour changer cette orientation. Pour la précédente campagne européenne nous avions formalisé un programme en douze propositions. Il peut être être revu bien sûr, d’autant que nous militons pour tout changement favorable, celui que nous avons proposé là n’étant que celui qui présentait le plus d’avantages à notre analyse. Par exemple quant aux surfaces de culture, en cas de légalisation de la production, nous recommandions qu’elles soient limitées, de façons à ce qu’en évitant des grandes exploitations, on permette la répartition de la « manne cannabique » sur le plus d’exploitations agricoles possible. Mais sans attendre une telle révision complète de la politique prohibitionniste, d’ores et déjà ce qu’on appelle l’autoproduction devrait être au moins toléré. Pour ça, de simples circulaires ministérielles enjoignant à la police et à la justice de cesser de s’y intéresser accompliraient déjà un énorme progrès, et permettraient, à elles seules, une énorme pacification sociale, ainsi que l’ont proposé les Cannabis social clubs, que nous soutenons.
Est ce que vos revendications ne concernent que le cannabis, ou se portent-elles sur d’autres sujets, notamment les autres drogues ?
Une des raisons pour s’être appelés Cannabis Sans Frontières, c’est justement pour signifier que nous ne souhaitons pas nous enfermer dans la problématique du cannabis, parce que celle-ci touche à bien d’autres questions, comme celle des libertés, et bien sûr à tout ce qui concerne la problématique des drogues dans son ensemble. Par exemple, nous sommes partisans de la distribution contrôlée d’héroïne, comme de toute autre substance posant problème d’ailleurs. Cela a déjà été pratiqué par le docteur John Marks, avec grand succès, pendant plus de dix ans dans la région de Liverpool, le Merseyside, et nous ne comprenons pas que cet exemple n’ait pas été repris, hormis dans des programmes plus contraignants que le protocole de Marks, qui fonctionnent depuis longtemps en Suisse avec un bilan évidemment positif. Les incidences sur la santé des consommateurs et la paix sociale retrouvée sont comparables, bien que meilleures, aux résultats des politiques dites de réduction des risques qui ne distribuent que des substituts. Mais en plus, à Liverpool, en satisfaisant complètement la demande des toxicomanes, le docteur Marks atteignait un deuxième résultat : la disparition du marché noir, ce qui empêche tout prosélytisme ou l’apparition de nouveaux consommateurs.
Il arrive qu’on nous voie comme maximalistes, mais par exemple sur ce point nous ne sommes même pas anti-prohibitionnistes. Nous faisons même l’impasse sur le droit légitime de chacun à accéder à toutes les substances, indiscutable philosophiquement, mais impossible à mettre en place sans transition après un siècle de prohibition avec son cortège d’effets pervers et mortifères.
Sinon, on se prononce aussi en faveur d’une libération du marché de la feuille de coca et de ses produits, que la Bolivie et le Pérou développent légalement ces dernières années, et qui ne demandent qu’à s’exporter. D’une manière générale, nous sommes pour une approche pragmatique du statut de chaque substance. Dans un ordre d’idées connexes, nous soutenons la proposition de créer une industrie pharmaceutique en Afghanistan, pour absorber la production d’opium au bénéfice de production de morphine à destination des hôpitaux du monde entier qui en manquent cruellement dans la plupart des pays. Nous dénonçons là l’incurie de la politique internationale afghane qui ne se sera saisie de cette proposition (poppy for medecine) dont la faisabilité a été démontrée par l’ICOS (Conseil international sur la sécurité et le développement, ex-Conseil de Senlis), depuis une bonne dizaine d’années maintenant.
Comment accueillez vous les récentes évolutions législatives aux États Unis concernant le cannabis ? Pensez vous qu’à terme, vos revendications seront mises en place ?
Cette année 2014 marque assurément un tournant historique pour la prohibition du cannabis, puisque non seulement dans deux états américains, au Colorado et dans l’état de Washington, mais aussi en Uruguay, qui est ainsi le premier pays à légaliser. Mais il ne faut pas oublier que cela fait près de vingt ans qu’en Californie était adoptée la proposition 215, et qu’à la suite, ce sont une vingtaine d’états qui ont adopté des législations permettant l’usage thérapeutique du cannabis. Depuis bientôt vingt ans, c’est progressivement, état par état, que progresse le mouvement anti-prohibitionniste, et l’on sait déjà qu’une demi douzaine d’états suivront les traces du Colorado dans les deux prochaines années. Plus intéressant encore, pour ce qui nous concerne en France, le fait que le Parlement marocain ait aussi adopté une résolution pour mettre en place une légalisation de la production de cannabis à fins thérapeutiques et industrielles dès 2015. Au Parlement français plusieurs députés et sénateurs réfléchissent déjà à l’élaboration de nouvelles lois. La prohibition du cannabis doit tomber, c’est sûr. Le plus tôt sera le mieux
Le mouvement prévoit-il de se relancer dans la course électorale en 2014 ou plus tard ?
Nous prévoyons en effet de présenter des candidats dans au moins cinq régions pour les élections européennes à venir en mai. Nous entendons ainsi accéder à la campagne officielle audio-visuelle – ce que nous n’avions pu faire il y a cinq ans, n’étant présents qu’en île de France. Nous préparons d’ores et déjà les listes de candidats que nous voulons ouvertes à toutes sortes de personnalités, en particulier à des « déçu(e)s » des partis politiques de gauche, en particulier les Verts et le parti socialiste. Dans tous les cas, nous entendons bien profiter de l’effet-Colorado, auquel on doit un véritable basculement des consciences qui conçoivent maintenant facilement non seulement qu’une légalisation est souhaitable, mais qu’elle est possible. Désormais le cannabis est légal dans plusieurs endroits sur terre, et il reste des pays attardés qui n’ont pas encore fait le pas…
Voir en ligne : Pour lire l’interview de Michel Sitbon sur le site de NewsYoung.fr