ETATS GENERAUX DES USAGERS DES DROGUES LICITES ET ILLICITES ET SUBSTITUES.
Compte-rendu de la conférence « cannabis THÉRAPEUTIQUE : les exemples EUROPÉENS »
Organisée par ASUD
PAR Jean Pierre GALLAND - CIRC
Le jeudi 26 novembre 2009, dans le cadre des EGUS (les Etats Généraux des Usagers de Substances licites et illicites), ASUD organisait avec Act Up, l’Anitea et SOS Hépatites, le premier colloque sur l’usage thérapeutique du cannabis.
La veille, lors d’une conférence de presse, des patients atteints de pathologies lourdes ont témoigné des bienfaits — que ce soit sur le plan physique ou moral — apportés par leur usage du cannabis.
Parmi eux figurait Olivier Asteggiano. Atteint d’une sclérose en plaques, ce dernier a été interpellé en août dernier par les gendarmes de Gourdon dans le Lot. Il a non seulement été gardé à vue pendant six heures, mais ses plants de chanvre ont été détruits et le matériel lui servant à produire son « médicament », saisi.
Olivier a revendiqué son usage thérapeutique devant le tribunal comme devant la presse locale qui a relayé l’information. Le CIRC ainsi que d’autres associations l’ont soutenu dans son combat. Condamné récemment par le tribunal de Cahors à une amende de 150 euros avec sursis (une peine symbolique) Olivier a cependant décidé de faire appel dans l’espoir de « récupérer le matériel confisqué ».
Cet acte de résistance ou la décision du président Obama de ne plus intervenir dans la politique des treize Etats qui ont légalisé le cannabis thérapeutique, ont convaincu ASUD, de consacrer, dans le cadre des EGUS, une conférence et un débat sur ce sujet tabou.
Le cannabis THÉRAPEUTIQUE, une RÉALITÉ
Savez-vous qu’en France, 63 patients bénéficient du Marinol, un médicament à base de THC synthétique ? Mais comme l’a opportunément rappelé le docteur Lebeau, pour obtenir une ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation), c’est un vrai parcours du combattant et le Marinol (dans son dosage le plus faible) est le seul cannabinoïde disponible sur le marché alors qu’il en existe bien d’autres.
Alexandre Jeffrey, traducteur de « Cannabis en médecine » écrit par le docteur Grotenhermen (en vente aux éditions Indica) est venu nous présenter l’IACM (Association Internationale pour les cannabinoïdes en Médecine), une association dont le but est « de promouvoir les connaissances sur le cannabis, les cannabinoïdes, le système endocannabinoïde et de tous les sujets associés ».
Je ne saurais trop vous recommander non seulement de lire l’ouvrage du docteur Grottenherm qui fait le point sur les nombreuses applications des cannabinoïdes, mais aussi de vous abonner au bulletin mensuel publié par l’IACM
Marco Van Velde, le responsable de l’OMC (The Office of Medicinal Cannabis), dépendant du ministère de la Santé, du bien-être et des Sports hollandais nous a expliqué comment, en collaboration avec des patients et des associations de patients, il a été chargé en 2000 de se pencher sur le sujet du cannabis thérapeutique : sa culture, le contrôle de sa qualité et la meilleure façon de le distribuer.
En 2006, l’OMC s’est attaché les services de scientifiques pour déterminer les propriétés thérapeutiques du cannabis et organiser des réunions avec les professionnels de la santé qui pour la plupart ne savaient rien des vertus médicinales de cette plante. Ont été aussi contactés les responsables des assurances de santé afin de négocier le remboursement du cannabis que les patients achètent en pharmacie.
Puis ce fut le tour de TJ Erkelens, le responsable de Bedrocan (la seule entreprise habilitée à distribuer du cannabis médical) de s’exprimer. L’herbe qui pousse, en accord avec la loi batave, dans les laboratoires de Bedrocan est une herbe standardisée qui ne contient pas de métaux lourds, pas de pesticides, pas de moisissures et pas de bactéries. Certifiée ISO 9001, des règles d’hygiène très strictes sont respectées, de sa croissance à sa maturité et de sa cueillette à son conditionnement,
En 2003, la société Bedrocan a passé un contrat de cinq ans avec le gouvernement hollandais, lequel l’autorise à cultiver et à délivrer en pharmacie du cannabis thérapeutique.
Actuellement, l’entreprise produit 110 kilos de Beuh par an et commercialise trois variétés. La première contient 19 % de THC, la seconde 12 % et la dernière seulement 6 %, des variétés qui contiennent aussi du CBD, lequel atténue les effets euphorisants du THC.
Bedrocan exporte son cannabis médicinal en Allemagne, en Italie et en Finlande. À partir de janvier 2010, sentant venir la décriminalisation du cannabis à des fins médicales aux Etats-Unis, Bedrocan a décidé d’ouvrir une filiale en Californie.
Le cannabis thérapeutique est-il l’ami du cannabis récréatif ?
Bien souvent, les prohibitionnistes accusent les défenseurs du cannabis thérapeutique de vouloir avant tout légaliser le cannabis récréatif, et pour appuyer leur démonstration, ils citeront sans doute l’article de Courrier International où le journaliste nous confie qu’en Californie, pour le moindre petit bobo, des médecins peu regardants délivrent du cannabis à leurs « clients »… Et nous venons d’apprendre que les partisans de la légalisation du cannabis californiens ont réuni les 680 000 signatures ouvrant la voie à un référendum qui devrait se dérouler en novembre 2010.
L’argument est fallacieux. Celles et ceux que nous avons croisés et qui utilisent le cannabis pour recouvrer l’appétit ou soulager des douleurs physiques provoquées par une sclérose en plaque ne recherchent pas le plaisir, seulement « être mieux dans leur corps ». Il est urgent de légaliser le cannabis à des fins thérapeutiques parce que c’est un problème de santé publique… Et tout aussi urgent, me rétorquerez-vous, de légaliser le cannabis « tout court » parce que sa pénalisation a de très nombreux effets pervers : interpellations, amendes, prison, désocialisation, stigmatisation… Et la liste n’est pas close des malheurs provoqués par une politique absurde.
Cependant, et même si la frontière est souvent bien mince entre un usage récréatif et médicinal, de nombreux patients tiennent à séparer les deux combats et souhaitent créer une association composée uniquement de malades et de médecins, les plus à même pour témoigner de l’efficacité du cannabis sur la santé de leurs patients. Le CIRC espère que le projet de fonder l’Union Francophone pour les Cannabinoïdes en médecine (UFCmed), se concrétisera rapidement.
Nous respectons ce choix, même si nous craignons que le gouvernement, dans sa grande mansuétude, cède un jour en distribuant au compte-goutte, une version synthétique du cannabis qui enrichira les laboratoires et ne satisfera pas forcément les patients, la plupart préférant « l’herbe » à une pilule.
Depuis bien longtemps, le CIRC qui se bat pour la dépénalisation de l’usage de toutes les drogues et la légalisation du cannabis s’intéresse et défend les vertus thérapeutiques du cannabis. En 1994, Lester Grinspoon, l’auteur de « Cannabis en médecine » (éditions du Lézard), était l’invité d’honneur de la seconde journée internationale d’information sur le cannabis et le CIRC créait en 1997 une commission sur le cannabis thérapeutique animée par Fabienne Lopez…Fabienne qui a été l’initiatrice de la conférence du 26 novembre 2009 et l’a organisée avec ASUD
Autre initiative qui mérite le soutien du CIRC, la création de Secours Vert. « Initiative citoyenne sans existence légale », Secours Vert se présente comme un réseau d’entraide pour les citoyens recourant au cannabis à des fins médicales. « Le but est d’apporter une aide matérielle, financière ou juridictionnelle aux malades qui sollicitent ce réseau de solidarité, en faisant appel à la générosité de donateurs ».