« Nous sommes à la veille des élections en Italie, et bien plus qu’en France la question du cannabis - “drogue légère” selon la terminologie transalpine - occupe les débats de manière récurrente.
Bien sûr, les radicaux de Panella ont toujours leur légalisation au programme, depuis toujours, mais les sondages ne leur sont guère favorables en ce moment. Plus imposant est le populiste Grillo du MouVement Cinq Etoiles (avec un V majuscule signifiant Va te faire enc…), crédité de 12 à 18%, qui pourrait faire donc mieux que le “professore” Monti, dernier premier ministre d’un gouvernement “technique”.
Candidat plus “sérieux” mais hélas atteignant au mieux 5% dans les sondages, Ingroia, ancien juge anti-mafia à Palerme, soutenu par les communistes et par l’Italie des valeurs, a lui aussi mis la légalisation du cannabis à son programme, entre autres pour lutter contre la mafia (soutenu aussi par Saviano, l’auteur de Gomorra). Il a dans ses listes la sœur de Stefano Cucchi, mort en garde à vue sous les coups des carabiniers après avoir été arrêté pour consommation de cocaïne, un meurtre qui avait été scandaleusement couvert par le gouvernement Berlusconi avec un cynisme glaçant. Cette dernière répète à l’envi que cette loi est criminelle.
Mais la surprise vient du candidat du Parti démocrate Bersani, en tête des sondages, qui vient de prendre parti, sans doute sous la pression des candidats cités ci-dessus, pour un changement profond de la loi dans une lettre envoyée au “communautés thérapeutiques”, dans laquelle il déclare entre autres que la loi actuelle est “inutilement répressive et même contreproductive”, et prône donc l’abrogation de l’actuelle loi Fini-Giovanardi (Fini est un ex-fasciste).
Et ses dernières propositions en la matière se rapprochent du modèle portugais, n’allant pas jusqu’à parler de légalisation, mais de simple dépénalisation, sans les sanctions administratives actuelles, mais avec un suivi social obligatoire. Certaines personnalités de son parti ou de sa coalition prônent aussi avec vigueur la légalisation-dépénalisation (avec des nuances), tel Marino, qui s’était présenté aux primaires du Parti démocrate pour ces élections, qui va jusqu’à déclarer que fumer des joints “fait du bien, pour l’humeur et au système nerveux central”, ou Furfaro (Sinistra, Ecologia Libertà, de la coalition Bersani), qui veut légaliser dans sa région après les élections.
Mis bout à bout, cela fait une majorité politique pour la dépénalisation “réelle” du cannabis, et même de l’autoproduction. Cela intervient après deux décisions spectaculaires de la Cour de cassation, qui avait déclaré que cultiver sur son balcon une petite plante de marijuana ne pouvait être assimilé au délit de production en vue de trafic, de même que, dans une autre décision, partager un joint entre amis ne pouvait être considéré comme cession, passible de six ans d’incarcération, abolissant ainsi les dispositions de la loi en vigueur contre l’usage en groupe.
Mais le coup de grâce attendu devrait venir de la Cour constitutionnelle saisie sur la loi actuelle par une cour d’appel de Rome, qui conteste la constitutionnalité de cette loi qui ne distingue pas les “drogues légères” et les “drogues lourdes”, qui met dans le même sac des drogues de nature différente et aux effets sans rapport entre eux. On peut discuter du bien-fondé de veste opposition, certes, mais c’est actuellement la pierre angulaire de cette contestation juridique à Rome.
Avant la loi Fini-Giovanardi, il y avait en effet en Italie une distinction nette entre “drogues légères” et “drogues lourdes”, qui offrait une vraie dépénalisation de l’usage et de la détention en vue d’usage du cannabis suite à un référendum populaire.
Une chose paraît sûre au moins, la loi Fini-Giovanerdi vit ses dernières heures. »