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Perspectives

MAROC : La légalisation en débat...

Les multinationales pharmaceutiques ont déjà signé leur arrivée sur ce marché.
Au lieu de produire de la drogue, ou d’interdire la production de cannabis, le Maroc doit-il se positionner sur ce nouveau créneau, celui de « l’or vert » ?

« Le groupe Bayer AG vient d’acquérir 30 000 ha de champs de cannabis au Nord du Maroc ». La nouvelle a fait le tour du monde en quelque heures. Elle est l’aboutissement de négociations ardues entre la compagnie et le gouvernement marocains. Après une dure compétition entre Bayer AG et plusieurs autres concurrents en lice, les négociateurs marocains ont été plus sensibles aux termes de l’offre du premier...

Ne sautez pas en l’air, ce n’est pas encore vrai. Mais cela pourrait bien le devenir dans quelques années. Le marché des médicaments à base de cannabis s’annonce comme le nouvel eldorado des groupes pharmaceutiques. Et le Maroc est appelé à s’y positionner dès aujourd’hui.

Nous savons aujourd’hui que la firme pharmaceutique et chimique allemande Bayer AG a déclaré, le 21 mai 2003, avoir passé un accord avec la société britannique GW Pharmaceuticals(1) pour commercialiser son médicament à base de cannabis pour la sclérose en plaques et la douleur. Selon la même source, elle a même reçu les droits exclusifs pour commercialiser ce produit en Grande-Bretagne et a la possibilité pendant une période illimitée de négocier dans l’Union européenne ainsi qu’au Canada. Les termes financiers de l’accord prévoient un partage des revenus des ventes du médicament. Outre un versement initial, GW Pharmaceutical pourrait recevoir, en cas d’autorisation du médicament, une subvention pouvant atteindre jusqu’à 25 millions de livres.
Bayer n’est pas le seul groupe pharmaceutique à s’intéresser au marché juteux du cannabis médical. Aux Etats-Unis, l’entreprise israélienne Pharmos Corporation a déclaré le 10 juin dernier avoir obtenu l’accord de l’Office des brevets des USA pour une demande de brevets au sujet du dexanabinol, cannabinoïde synthétique non psychotrope, destiné à être utilisé dans le traitement des inflammations, de pathologies neurodégénétratives et auto-immunes, d’ischémies du cerveau et de douleurs(2). Et le gouvernement israélien semble appuyer cette démarche puisqu’il a accordé une subvention de 1,7 millions de dollars pour aider au développement du dexanabinol dans le traitement des lésions cérébrales traumatiques.

Le dilemme : interdire le cannabis ou apaiser la douleur des malades

La course est donc lancée entre les grands groupes pharmaceutiques pour pénétrer ce nouveau segment à fort potentiel de croissance. La liste des producteurs pharmaceutiques s’annonce longue et de nouveaux dauphins de ces deux groupes annonceront bientôt leur entrée en lice.

C’est une nouvelle page dans l’histoire de l’économie du cannabis. En effet, le poids économique des groupes pharmaceutiques est connu. Leur infiltration auprès des politiques des différents pays est un secret de polichinelle. Leur pression ira en grandissant pour assouplir les législations qui régissent l’usage de ce produit. Leur dernière démonstration de force est la question des médicaments génériques. Et le Maroc en sait quelque chose. Ce n’est donc qu’une question de temps. Face aux malades de plus en plus nombreux susceptibles d’être traités à l’aide de cette herbe, face à l’annonce par les laboratoires pharmaceutiques de nouvelles maladies à traiter grâce aux extraits du cannabis, les opposants se trouveront face à un vrai dilemme : interdire le cannabis ou apaiser les douleurs humaines.

Dans moins de huit ans, tous les grands ténors de l’industrie médicale vont s’y mettre. L’accès précoce ou tardif à ce marché constituera un avantage pour ces firmes vis-à-vis de leurs concurrents. Il deviendra un avantage pour leurs pays dans le cadre de leurs échanges commerciaux extérieurs, ce qui permettra aux compagnies pharmaceutiques de renforcer leur influence auprès des politiques. L’horizon de huit ans est donné en tenant compte du temps nécessaire à ces groupes afin d’aplanir les résistances qu’afficheront les différents pays/marchés dans lesquels seront commercialisés leurs produits à base de cannabis. Il tient également compte du temps nécessaire aux lobbies des compagnies pharmaceutiques pour décrocher la légalisation de la production. Aujourd’hui, la culture du cannabis est « officiellement » interdite dans la plupart des pays producteurs, en raison de plusieurs facteurs, particulièrement politique et religieux. Ce sera alors une nouvelle guerre de la communication. Des budgets conséquents y seront investis pour convaincre les opinions publiques. Leurs politiques y auraient déjà consenti.

Parallèlement à l’usage médical, le cercle des usagers à titre personnel du cannabis va s’élargir. Les législations ne feront qu’accompagner cette tendance. Nombre d’Etats européens ont rompu le silence. La consommation se dépénalise de plus en plus. En Suisse, le directeur du ministère de la Santé s’était déclaré en mai 2003 en faveur de la légalisation de l’usage du cannabis mais s’est toutefois déclaré opposé à la légalisation de sa culture et à la vente de la drogue (sic).

Sur la voie de la légalisation internationale… de la production

La jurisprudence espagnole de son côté tolère la détention jusqu’à 50 grammes de cannabis pour usage personnel. Le Portugal a également franchi le pas. En juillet 2001, il a dépénalisé de façon explicite la détention de petites quantités de cannabis. L’Allemagne et le Danemark s’acheminent-ils vers une tolérance de la consommation de cannabis ? Dans la pratique judiciaire cette tolérance existe déjà et les législateurs ne feront que l’entériner prochainement. L’Italie n’échappe pas à cette tendance, ni la Grande-Bretagne. La Belgique a été le dernier pays européen à légaliser la consommation de ce produit. Les sénateurs de ce pays ont voté en mars 2003 pour légaliser la possession de petites quantités de cannabis par les adultes, bien que la vente de cette substance demeure illégale (resic).

Ce sont toutefois les Pays-Bas qui sont allés le plus loin dans la dépénalisation de la consommation du cannabis. Dans ce pays, il y a des espaces réservés à la vente et à la consommation de ce produit sous toutes ses formes. La loi leur permet d’en vendre jusqu’à 500 grammes par jour. Même l’Etat y trouve son compte par l’élargissement de l’assiette fiscale.

Pour les Etats-Unis, un seul exemple est révélateur. Celui de la ville californienne de Santa Cruz, au sud de San Fransisco, qui, en avril dernier, a poursuivi le gouvernement fédéral en justice pour qu’il autorise le cannabis médical (3).

Quant au Canada, il est allé plus loin que ses voisins. Des recherches sont même menées par le gouvernement sur les bienfaits de ce produit. Une étude sur les propriétés antalgiques du cannabis est en cours à Montréal. Elle est dirigée par le docteur Mark Ware, professeur de médecine générale et anesthésique à l’Université McGill, qui souhaite évaluer les propriétés thérapeutiques du cannabis sur les neuropathies en conditions réelles et mettre en évidence le meilleur dosage. Les premiers résultats sont attendus pour début 2005.

Le club des Etats qui ont légalisé la consommation du cannabis se renforce.

Certains l’ont fait pour les bienfaits thérapeutiques du cannabis, d’autres ont tout simplement légalisé sa consommation. Seulement, à l’exception de la Hollande en Europe, tous les pays qui autorisent aujourd’hui la consommation du cannabis en interdisent la culture. Où s’approvisionner donc ? N’y a-t-il pas hypocrisie politique de ces pays qui,tout en autorisant son usage, exercent une pression, notamment au niveau des instances de l’Union européenne et/ou de l’ONU, sur les pays producteurs, le Maroc en premier ? Ce dernier ne cache pas son irritation face à ce double jeu. Les débouchés en Europe pour le cannabis le soumettent à une forte pression en interne, notamment dans le Nord du pays, seule région productrice de cannabis.Un commerce illégal dont les recettes annuelles, estimées à 12 milliards de dollars, dépassent de loin celles du tourisme et des transferts des Marocains résidents à l’étranger réunies, les deux principales rentrées de devises du pays. Des recettes qui, notons-le, passent sous le nez de l’Etat marocain puisque ce commerce n’est pas reconnu par les autorités.

Nous savons tous que le rang des défenseurs de la légalisation de ce commerce ira en croissant. En France, seul pays qui affiche encore publiquement sa résistance, la légalisation de ce produit deviendra, face à l’agrandissement du cercle des consommateurs, un enjeu électoral de taille. D’ailleurs, la gauche, à travers Lionel Jospin, avait déclaré durant la dernière campagne présidentielle, qu’elle était en faveur de l’usage de ce produit. Ce n’est plus qu’une question de temps. Nous le savons tous, un politique n’est jamais insensible aux revendications de ses électeurs.

La reconversion ne doit pas concerner les plantations de cannabis mais l’usage qui en est fait

Paradoxe ? En effet, si tous les pays légalisent la consommation, se posera inéluctablement la question du marché d’approvisionnement. C’est une question que l’on ne pourra occulter durablement. Un jour ou l’autre, il faudra y faire face et avoir le courage d’y répondre. On se tournera alors rapidement vers les pays producteurs. Ceux-ci y verront une aubaine financière. Ce commerce deviendra des plus rentables au monde. On assistera alors à un renversement de tendance et on parlera désormais « d’or vert ». En Europe, on se tournera vers la rive Sud de la Méditerranée ... où les regards seront particulièrement braqués sur le Maroc, premier producteur mondial du cannabis. D’où la question qui se pose aujourd’hui : le Maroc a-t-il intérêt à détruire les cultures de cannabis et reconvertir ceux qui le cultivent ou au contraire doit-il étatiser cette culture et canaliser aussi bien la production que la commercialisation ? Un office pour la culture du cannabis... pourquoi pas ? Dans tous les cas, si reconversion il y a, elle doit concerner non pas la culture en elle-même mais l’usage que l’on en fait. De producteur de drogue, le Maroc doit évoluer en producteur de médicaments. Le Maroc peut, dès aujourd’hui, se positionner comme fournisseur des laboratoires de recherche. La réflexion doit être sérieusement menée

Voir en ligne : Pour lire l’article original sur le site de lavieeco.com

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