(Nous reproduisons l’intégralité de ce texte que l’auteur a publié sur son profil LinkedIn afin de lui donner un écho plus large et inciter tout un chacun à faire pareil : Sortir de l’hypocrisie et des mensonges en s’affirmant tel qu’on est, en affichant ses convictions personnelles, en déclarant publiquement notre opposition à la politique de prohibition plutôt que de consentir par le silence ou par peur à son renforcement criminogène).
Ce qui suit est une lettre ouverte adressée à Serge Lebigot de « Parents Contre La Drogue ». Après avoir lu un article de l’association NORML France sur Facebook, dans lequel ils encouragent les activistes du monde du cannabis à répondre à ses accusations selon lesquelles les partisans du cannabis seraient des « nounours » et “utopistes”, j’ai décidé de répondre à M. Lebigot.
Serge Lebigot n’est pas exactement une personnalité publique. Il est difficile de trouver un article significatif en ligne et ses vidéos YouTube ont en moyenne 70 visionnements. Son organisation ne semble pas avoir de collaborateurs. Sur son site Web, il commercialise des livres sur le cannabis qu’il a lui-même écrits. C’est apparemment un one-man-show, et apparemment pas un succès.
Mais je voulais quand même lui répondre. Pas seulement pour lui, mais pour tout le public français, en particulier ceux qui s’opposent actuellement à la légalisation du cannabis.
La France est un cas particulier en matière de cannabis.
Il y a un énorme fossé entre les habitudes des Français et les lois du pays. On estime que 11% des adultes âgés de 18 à 64 ans consomment du cannabis. Pour ceux âgés de 18 à 34 ans, ce chiffre double à 22%. Prohibition Partners estime à 5 millions le nombre de personnes participant à ce marché. Pourtant, la France compte parmi les politiques de cannabis les plus répressives en Europe et compte parmi les derniers pays à considérer la consommation de cannabis comme un crime. Les personnes qui fument peuvent encourir une amende de plus de 3 000 euros et une peine de prison.
Il est vrai que le gouvernement français a annoncé son intention d’assouplir les sanctions pour consommation de cannabis, en échangeant des peines de prison contre des amendes immédiates. Cependant, il s’agit d’un changement purement pragmatique visant à alléger les procédures de la police. Le gouvernement français est toujours opposé à la légalisation du cannabis et continue à criminaliser les usagers.
Il est difficile d’imaginer qu’un gouvernement dépense autant de ressources pour contrôler cinq millions de personnes qui consomment quelque chose de moins nocif que le tabac et l’alcool, et qui présente un potentiel de bien-être aussi important. Interdire, c’est se priver d’opportunités scientifiques pour mieux étudier le cannabis et ses effets. La prohibition entretient un marché noir qui fournit des produits de qualité médiocre, sans normes ni informations, mettant réellement les citoyens français en danger.
Si la sécurité et le bien-être des Français sont la priorité numéro un, alors la légalisation devrait être la première étape.
Ci-dessous ma lettre à Serge Lebigot de Parents Contre la Drogue.
Lettre à Serge Lebigot et Parents contre la drogue
Chers membres de l’association « Parents contre la drogue », Cher M. Lebigot,
Suite à vos récentes publications et à vos critiques à l’égard de NORML France, je voudrais saisir cette occasion pour vous présenter mon point de vue en tant que patient utilisant du cannabis et citoyen suisse.
Je souffre d’une maladie génétique rare (PRP) depuis l’âge de 15 ans. J’ai dû quitter l’école. J’ai également dû quitter mon emploi que j’avais en dehors des cours. Pendant des années, j’ai été très limité dans mes activités à cause de mon état de santé. Mes mains sont extrêmement douloureuses et il y a beaucoup de choses que je ne peux pas faire comme tout le monde.
Les anti-douleurs prescrits par mes médecins n’ont pas aidé. Là où la douleur diminuait, les effets secondaires avaient des effets dévastateurs, voir m’empêchaient de fonctionner normalement. Pour moi, le principal avantage du cannabis était l’absence d’effets secondaires négatifs. Grâce au cannabis, j’ai maintenant 32 ans, je vis presque « normalement » et je me sens bien.
J’ai regardé attentivement votre site Web et j’ai été très surpris que « votre catalogue de médicaments » ne mentionne pas de produits comme la cortisone, le Prozac, le Xanax, le Ritalin, l’OxycodoneTM et bien d’autres qui sont effectivement des « médicaments légaux », mais qui ont des effets secondaires désastreux. De plus, un grand nombre de ces produits créent une forte dépendance.
En revanche, les récentes études scientifiques indiquent que le cannabis est l’une des substances les moins addictives, loin derrière le café, les cigarettes ou l’alcool. En fait, les personnes souffrant de dépendances graves de toutes sortes pourraient se tourner vers un cannabis légal et sans danger comme moyen de traitement.
J’ai passé les 15 dernières années à étudier les différentes utilisations du cannabis. Au cours de ces années, j’ai été en contact avec des centaines de patients auto-médicamentés qui ont bénéficié du cannabis de différentes manières, en utilisant des huiles, des applications locales, des produits alimentaires, des inhalations et bien sûr en fumant les fleurs. Cette auto-médication a permis à beaucoup de patients d’améliorer leur situation et beaucoup d’entre eux résident en France. La majorité doivent se soigner « en cachette »…
Mais vous avez raison, malheureusement, aujourd’hui, nous n’en savons pas autant sur le cannabis que nous le devrions. La recherche que nous pouvons faire actuellement est sérieusement limitée à cause des lois en vigueur. Néanmoins, diverses études, des expériences à travers le monde et des siècles d’histoire du cannabis nous ont montré que la prohibition n’avait pas été bénéfique pour la population et la société. Et nous en savons assez aujourd’hui pour introduire une réglementation qui garantisse une utilisation sûre du cannabis.
Je suis en contact avec les parents désespérés dont les enfants souffrent d’épilepsie. Pour eux, la consommation de cannabis a entraîné des changements considérables dans la vie de leurs enfants. J’ai entendu des histoires similaires de personnes retraités paralysés par les « traitements prescrits » pour Parkinson. Depuis peu, grâce à l’introduction du CBD en Suisse, même mes grands-parents utilisent du cannabis pour traiter leur arthrite et leurs spasmes. Le cannabis a changé leur vie, leur permettant de se sentir normal et leur apportant du réconfort.
Je pourrais vous envoyer une très longue liste de noms de patients avec lesquels je suis directement en contact. Ce ne sont pas des “fausses informations sur Internet”. Ce sont des personnes qui consomment du cannabis et qui ont vu leur vie changer malgré leur combat contre des pathologies graves, tel que l’épilepsie , la maladie de Parkinson, la fibromyalgie, la sclérose en plaques, des cancer, des douleurs musculaires, l’arthrite, des syndrome post-traumatique, l’anxiété et de nombreuses autres pathologies.
Une réglementation bien pensée ne fournirait pas seulement un environnement plus sûr pour ces patients. Cela ouvrirait la porte à des études plus approfondies. Cela contribuerait également à éduquer les gens et à créer des mécanismes de prévention pour les jeunes et d’autres groupes de la population. Mais aussi éduquer les médecins pour qu’ils prescrivent du cannabis plutôt que des drogues synthétiques dans les cas où c’est une option que le patient souhaite.
Avec tout ce que nous savons aujourd’hui, il serait facile de créer des normes sûres pour les produits et de réglementer la qualité et l’accès. Si le cannabis est correctement réglementé et le marché noir supprimé, il sera beaucoup plus difficile pour les mineurs d’obtenir du cannabis. C’est quelque chose que même vous devriez défendre.
Je ne vais pas vous assommer avec une liste de liens pour des études scientifiques. Si vous recherchez des références pertinentes, je vous recommande deux sources. Ce sont deux scientifiques qui sont très impliqués dans la communauté.
Dr. Jokūbas Žiburkus est un neuroscientifique lituanien basé à l’Université de Houston. Il a consacré l’essentiel de sa carrière scientifique à la recherche de traitements pour les troubles neurologiques graves. Il a découvert que le cannabis était efficace pour atténuer certains des symptômes les plus graves et les plus douloureux que les enfants puissent vivre, le CBD étant particulièrement intéressant en raison de son absence d’effets psychoactifs.
David Nutt est un neuropsychopharmacologue britannique qui a dirigé la psychiatrie et la pharmacologie dans diverses institutions. Il a siégé au Conseil consultatif du gouvernement sur l’abus de drogues (ACMD), en tant que président du comité technique. Au gouvernement, ses recherches ont conclu que le cannabis est, si pas complètement inoffensif, l’une des substances les moins nocives et addictives, bien moins que la caféine, l’alcool et le tabac. Il continue de préconiser des lois qui correspondent mieux à ce que la science nous révèle.
Si nous devions parler de ce à quoi ce règlement ressemblerait et des raisons pour lesquelles il serait meilleur que l’actuel régime de prohibition, nous pourrions le décomposer en ses point principaux :
Contrôle de la qualité des produits : les produits réglementés se traduisent par une utilisation et des traitements plus sûrs pour tous les types de clients/patients : adultes, enfants et personnes âgées.
Distribution : Des points de vente physiques réglementés garantiraient que seuls les adultes ayant une carte d’identité valide aient accès au cannabis à des fins récréatives. L’accès au cannabis médical devrait être limité aux patients avec des ordonnances de médecins ayant une éducation au cannabis.
Fiscalité : Un régime fiscal bien équilibré permettant des prix du cannabis compétitifs offrirait des traitements financièrement plus accessibles, pousserait le marché noir, avec ses produits de qualité inférieure, à la concurrence légale. Les revendeurs disparaîtront des quartiers et des écoles et, avec eux, du cannabis « sale », du cannabis synthétique et de nombreux produits dangereux utilisés par les marchés noirs pour alourdir le cannabis.
La légalisation du cannabis n’est pas une utopie. Elle existe déjà et aide des milliers de patients, y compris des enfants, depuis plus de 20 ans. Au-delà du cannabis thérapeutique, au Canada, en Uruguay et dans plusieurs États américains, le cannabis à usage récréatif a été légalisé, ce qui a eu un impact positif sur leurs sociétés et leurs économies.
Je comprends que l’usage de cannabis ne vous intéresse pas et je suis heureux que vous soyez en bonne santé et n’avez pas besoin de médicaments.
Malheureusement, partout dans le monde, de nombreuses personnes souffrent chaque jour de diverses pathologies avec lesquelles le cannabis peut être une véritable aide sans les effets secondaires des médicaments synthétiques. C’est un acte de gentillesse de ne pas les condamner et de les aider à trouver un réconfort en leur garantissant un accès sûr au traitement qu’ils souhaitent recevoir, au lieu de les criminaliser.
Jonas DUCLOS
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